mardi 29 mars 2011

Le Shamrock N°Avril 2011

Le Shamrock d'avril 2011 est sorti! La distribution de la version papier continue vendredi 8 avril à l'Edhec.



mercredi 23 mars 2011

Anna Calvi : Believe the Hype

Anna Calvi, c’est rien de dire que la presse musicale en a énormément parlé. Complète inconnue il y a encore peu, les choses se sont précipitées vertigineusement pour elle ces dernières semaines : Sortie d’un LP avec reprise habitée de « Jezebel » (en écoute sur Deezer), signature chez le label Domino (celui des Monkeys), premières parties de Nick Cave, et donc aujourd’hui ce premier album intitulé « Anna Calvi » (pourquoi s’emmerder ?) qui lui vaut les couvertures de tout ce qui existe en canards musicals des deux côtés de la Manche. Le vieux Brian Eno allait même jusqu’à dire qu’il n’avait pas vu ça depuis Patti Smith (en même temps l’avis de Brian Eno…). On évoque également à son sujet PJ Harvey (suis en train de réécouter « come on billy », un sacré morceau), Siouxsie…Y a plus qu’à citer Janis et Grace Slick et on aura tout le monde. Alors bien sûr sous prétexte que tout le monde lui tresse des lauriers, pointent déjà à l’horizon quelques idiots qui vous annoncent, tout fiers, qu’ils ne sont pas dupes de ce qu’« on essaie de nous refiler ». Qui ça, « on » ? Ben Laden ? Les Suisses ? Le KGB ?

C’est assez drôle de voir l’arbitraire de cette fiction auto-alimentée qu’est la Hype, qui après avoir élu de jeunes geeks fans de psychédélisme anglais (MGMT), des croquemorts (the XX), des roux (les nullards de Two Door Cinema Club), des faux bardes (l’affreux Anthony la pleureuse and the Johnson) a choisi cette fois de jeter son dévolu sur cette jeune anglaise de 22 ans, dont chacun salue l’incandescence sur scène : Comme les gars d’Arcade Fire, elle joue sérieuse comme un pape, coiffée d’un strict chignon de rat d’opéra, sourcils froncés, mine contrite, pas encore tout à fait assurée probablement. On voit ce qui est derrière, ce qu’elle vise : l’attraction distante, la séduction glacée, comme Bowie pendant sa période « young americans ». Toute cette unanimité derrière elle, cette Hype, mot puant dénué de sens (Qu’est ce que la Hype sinon l’enthousiasme synchrone pour un gars qui a priori sort du lot) va offrir à quelque uns, on le sait déjà, le prétexte de jugements à l’emporte-pièce alors qu’on devrait aborder toute première œuvre avec une bienveillance relativement dépassionnée , et faire cet effort surhumain de parler en connaissance de cause. La méfiance suscitée par la hype est d’autant plus injuste, qu’il est plus dur de créer de l’inédit aujourd’hui. De quoi partait les Beatles lorsqu’ils jouaient « she loves you » ? Pas grand-chose, tout était à inventer. Faut quand même bien voir que tout jeune artiste qui commence aujourd’hui a 60 ans de rock derrière lui, qu’il doit se coltiner, et à l’aune desquels il va être jugé . Et contrairement à l‘aspirant écrivain qui lui peut attendre (et qui devrait attendre, ça éviterait que tant de nullards soient publiés. Ca sert à ça la lecture des génies : inspirer les futurs génies et et inhiber les autres : malheureusement les mauvais écrivains sont trop inconscients et ont trop peu d’ambition pour avoir des doutes sur ce qu’ils écrivent ; il n’y a que les génies qui doutent), il doit le faire à 25 ans, le rock ne pouvant se concevoir que dans la fulgurance : Pete Townshend eût-il écrit « Hope i die before i get old » à 45 ans, il aurait eu l’air bien bête, c’est sûr.

Pour en revenir à Anna Calvi, la comparaison avec Buckley saute aux oreilles (oui je le sais bien que c’est réducteur d’étiqueter les gens, si je sors quelques références, c’est pour donner quelques jalons, quitte à rendre le truc un peu trop identifiable. Parce qu’on vient tous de quelque part, ne serait-ce que pour s’en éloigner). On retrouve effectivement le son de guitare, liquide et fantomatique, plein d’écho caractéristique de chez Buckley fils, sauf qu’heureusement Anna Calvi, elle, n’est pas une chouineuse (regardez là en interview : elle ne dit RIEN de vaguement personnel. Je trouve ça admirable). Juste en passant, je suis retombé en écrivant sur une interview assez édifiante du sieur Buckley. Attention c’est du lourd : « Moi, je dois bien l'admettre, je suis religieux. Mais je n'arrive pas à croire à l'organisation terrestre faite au nom de Dieu. Les prêtres, tous ces prétendus représentants, ce sont des trucs pour malades mentaux. Alors, comme ça, Dieu serait là pour punir, encore et toujours, mais jamais pour récompenser ? Un père, mais pas de mère. Aucune femme dans la sainte Trinité... Quelle erreur monumentale ! C'est effroyable de constater que la seule femme sans reproches dans la Bible soit Marie, qui n'a jamais baisé de sa vie. Elle a fait un bébé avec son oreille. Non mais franchement, quelle connerie ! Je ne suivrai jamais de ma vie le moindre conseil important émanant de quelqu'un qui n'a jamais baisé et qui, en plus, en est fier. Le pape, quelle insulte au sexe, quelle insulte aux femmes ! Toutes nos religions sont en faveur des hommes, elles me dégoûtent. Pas étonnant qu'on traite la terre avec le même mépris : on la viole, on la détruit, on ne tient pas compte de son avis. Tout cela est très perturbant. Je suis un garçon très perturbé…» 2000 ans de théologie récusée PAF !! Non mais c’est vrai quels cons ces chrétiens !! Jaspers, Pascal, Erasme, Bernanos ? Des trous du cul !! la transcendance quelle blague !! Ah et Marie a fait un bébé avec son OREILLE !!?? HEU JE NE PENSE PAS NON TROU DUC !! Une bêtise pareille ça tient du prodige. L’imbécile aura aussi réussi cette performance notable de mourir plus jeune que son père (il s’est suicidé parce qu’il était mal dans sa peau le pauvre chéri). J’en reste là, tout le monde aura compris à quel point le pauvre garçon était bien bête.

Le risque numéro un lorsqu’on veut donner dans le lyrique, c’est l’emphase, l’ampoule, la pompe, en un mot le rock-kougloff (type les idiots de Muse). Une telle musique encourt plus surement le piège du ridicule mais c’est noble de s’exposer ainsi à vif, de ne pas avoir peur de ne pas faire dans le demi-mesure. Et en l’occurrence Calvi le fait bien. La production est peut être un poil lissée et clinquante à mon goût mais ça va, on s’en accomode. Aux moins deux grandes chansons ressortent : d’abord ce « First we kiss », bizarre et tendre, et surtout « love won’t be leaving », un classique d’ores et déjà. L’intro en cavalcades de guitares, les couplets sussurrés, Le refrain (« cause loooove won’t be leaving !!!) le final, tout est grandiose. Les chœurs du Bolchoi à trois, rien de moins. Qu’on trouve le reste trop vélléitaire je peux le comprendre, mais ces deux chansons là, il fallait les écrire. Suis-je totalement conquis ? Non pas tout à fait, je suis resté relativement hermétique à certaines chansons (« morning light »), malgré le fait qu’elle se donne sans réserve. Peut être ce « lyrisme cérébral » de sa musique vitrifie un peu l’émotion, je ne sais pas trop. En tout cas, l’album reste très impressionnant, et on peut affirmer en étant quasi sûr de ne pas se tromper que cette fille n’est pas un feu de paille. Un peu moins de manières, plus de hargne et de méchanceté pour la suite et ça va devenir une tueuse.


Vianney G.

jeudi 3 mars 2011

N° de mars 2011

Le Shamrock du mois de mars 2011 enfin en PDF!

Vous n'étiez pas là le jour de la distribution? On vous l'a volé avant même de l'avoir lu en entier? Vous l'avez perdu et rêvez de vous tordre de rire à nouveau sur les articles de Vianney G., d'admirer la mise en page de Diane H. ou de découvrir la plume des nouvelles recrues?
La version Webzine se trouve juste ci-dessous!

Bonne balade, cher lecteur!

Très modestement,
Diane H.

mardi 1 mars 2011

Le "Revival" : hommage ou solution de facilité?

BLACK LIPS

Groupe formé en 2000 à Atlanta, les Black Lips se définissent eux-mêmes et non sans une certaine modestie comme les uniques représentants d’un genre de leur propre création : le Flower Punk. Comprenez que les Black Lips produisent une musique mariant étrangement un chant violent et fortement marqué garage voire punk à des airs et accompagnements souvent plutôt influencés par le rock et la pop psyché des années 60 et du flower power. Difficile alors, me direz vous, de croire qu’un tel groupe ait pu voir le jour si tardivement, surtout si on tient compte de la qualité de l’enregistrement qui semble (volontairement on l’imagine) tout juste digne d’un groupe lambda des sixties. Toujours en conservant cette qualité sonore intentionnellement infecte et antique dans sa manière de sonner, les blacks lips nous proposent plusieurs types de morceaux tenant toutes de la revisitation fidèle des grands classiques du genre de 1960 au début des années soixante-dix. Un instrumental très Beatles/Byrds/Kinks/Animals comme sur I’ll Be With You ou Dirty Hands (qui sont d’ailleurs assez scandaleusement basées sur les mêmes trois accords) accompagne un chanteur à la voix de voyou londonien qui n’est pas sans rappeler celle du Mick Jaegger des London Years. D’autres titres comme Hippie Hippie Hoorah feront référence à une période un peu plus tardive à l’aide de sonorités qui nous feront plus penser à Woodstock qu’au Cavern Club). D’autres emprunteront aux Keith Richards (sur everybody's doin it ou encore take me home back to boone) et autres Jimmy Page (écouter Body Combat) des guitares saturées, on encore une voix très narrative et dérangée comparable à un celle d’un Jim Morrison sur Trapped In a Basement par exemple (en mois déprimant peut être). Le groupe a écrit trois albums, mélangeant tous mes trois punk, garage et psyché sans qu’on puisse vraiment dire lequel est plus rock, plus punk ou plus psyché que les autres. La seule différence notable est sans doute la qualité de l’enregistrement qui s’améliore légèrement au fil des albums, de Let It Bloom (déjà avec on peut pas faire plus revival, en référence aux légendaires Let It Be et Let It Bleed du couple ennemi Beatles/Stones) à 200 Million Thousands, peut être s’ancrer plus profondément dans cette époque pourtant révolue où la qualité de l’enregistrement s’améliora si rapidement. Peut être se sont-ils aussi rendus compte que cette volonté, compréhensible et intéressante au fond, de sonner « vintage » poussait parfois leur musique sur certains titres jusqu’à la limite du franchement dégeulasse.

Un constat s’impose : contrairement à ce qu’ils prétendent, les Black Lips n’ont absolument rien inventé au niveau musical. S’ils se sont en effet contentés de reprendre ce qui s’était fait de mieux lors de l’une des périodes les plus fastueuses pour la musique et le rock, si ce n’est la plus fastueuse, on doit leur reconnaître le mérite de l’avoir réellement bien fait. Il n’y a rien de révolutionnaire, mais cela reste de bon goût agressif et puissant, dérangeant, (peut être même dérangé) et il faut admettre que ce choix d’un enregistre archaïque confère au tout un certain charme et une certaine nostalgie de cette époque qu’ils tentent et réussissent à imiter. On pourrait trouver une telle entreprise quelque peu vaine, voire même agaçante, même sans pour autant vouloir à tout prix « le progrès pour le progrès » faire de l’actuel pour faire de l’actuel. Personnellement, cela ne me dérange pas si, comme dans le cas des Black Lips, c’est de bonne facture avec d’excellents titres et très peu de déchet (surtout sur les premiers et troisièmes albums qui sont les seuls que j’ai écouté, le second étant malencontreusement passé à la trappe), tout aussi authentiques que s’ils avaient quarante ou cinquante ans de plus. De plus, je dois ajouter que je préfère largement découvrir et écouter un tel groupe à un des représentants du pullulement anarchique de groupes électro-pop-rocks souvent semblables en tout points les uns aux autres essayant péniblement de surnager dans le bouillon divers et bigarré du rock indépendant depuis le début des années 2000. A noter que ce groupe aux performances scéniques paraît il pour le moins houleuses et riches sort un quatrième album cette année. Ne pas s’attendre donc à une révolution ni à un disque absolument indispensable, mais au moins à un album bien fait, résolument rock et authentique.

RODEO MASSACRE : If You Can’t Smoke’em Sell’em

Originaires pour leur part de Suède, les Rodeo Massacre participent également de cette volonté de raviver les feux anciens, de rendre un hommage aux plus grands de cette moitié de siècle. Avec cette fois une femme à la voix chaude et puissante (et qui soit dit en passant ne viendra sûrement pas briser la représentation traditionnelle que nous avons de ce côté de la Baltique de nos amies Suédoises et plus largement Scandinaves), des rythmes appuyés, des guitares tantôt rageuses, tantôt envoûtantes et des refrains efficaces et percutants, la référence à Jefferson Airplane crève les yeux. Et là encore, le résultat est plutôt agréable. Si l’influence de est à JA est en effet évidente, on ne peut honnêtement pas dire que la musique de ce groupe au nom d’un goût malheureusement pas aussi sûr que sa musique, se limite à une pâle imitation, un vulgaire plagiat de ces derniers. Il y a bien de nombreux apports, recompositions et autres reconstitutions de la part des Suédois. On pourra par exemple apprécier la présence inhabituelle dans ce registre de solos de flute, d’harmonica (écouter par exemple Zombies of Life) ou de trompette (Desert Man) qui enrichissent l’ambiance d’une forme d’euphorie, de folie peut être, parfois de démence comme à la fin de la chanson Desert Man et, au rythme du galop des tambours et des guitares, nous font traverser les grandes plaines vers l’Ouest du nouveau Monde. On verra également apparaître des structures directement venues du Blues originel (I’ve Got A Big Foot Now) Sur leur premier album intitulé If You Can’t Smoke’em Sell’em, sorti au début du mois de février 2011, on a ainsi le droit à un récital de rock et de pop psychédélique dasn les règles de l’art, parfois même à des intros se rapprochant sensiblement de celles des Doors (notamment sur Turning Wheel). Le balayage des influences entrepris par Rodeo Massacre est donc large mais reste cohérent sans tomber dans l’accumulation, avec un album qui, au vu de l’atmosphère dans laquelle il nous plonge, constituer la bande originale d’un Tarantino (en particulier la chanson Desert Man). On est forcé de reconnaître la qualité de cet album et du groupe qui l’a fait naitre, que l’on soit un réactionnaire nostalgique des seventies ou un jeunot naïf et un peu ignare (ou encore entre les deux).

Voici donc un autre exemple de grand classique revisité avec brio, de groupe ostensiblement revival sans être vain, qui ne pourra donner lieu ni à la critique des anciens et puristes du genre, ni à l’indifférence ou au dédain des plus progressistes.

C’est donc dans un pari risqué que se sont lancés les Black Lips et Rodeo Massacre, comme d’autres l’ont fait et le feront après eux, en choisissant cette voie de la revisitation des classiques. Si l’entreprise peut souvent paraitre dénuée d’un grand intérêt, cette inquiétude est vite dissipée dans le cas de ces deux groupes de ce début de siècle dont la personnalité sonore, la qualité technique et de création ne peut que séduire.


Lucas M.

dimanche 27 février 2011

Funeral Party, The Golden Age of Knowhere (2011 )

On les présente comme les « Strokes californiens » ou encore comme « la next big thing du moment ». Nul doute que de nombreux groupes avant eux ont eu droit à ces qualificatifs élogieux. Et c’est bien le problème : à force de crier au loup, on ne sait plus trop à quoi on a affaire. Derrière ces sobriquets flatteurs, qu’en est-il des Funeral Party : opération marketing ou vraie révélation musicale ?

Formé autour de Chad Elliott, le groupe californien signe d’abord chez Fearless Records, une filiale de Warner. Mais des dissensions éclatent quand le label essaie d’orienter leur musique vers du pop/punk, plus tendance et plus profitable. Bien mal leur en prit, puisque c’est finalement Sony qui rafle la mise en signant le groupe pour un premier album en 2011 : « The Golden Age of Knowhere ». Loin des clichés à la Blink 182, Funeral Party nous livre un album de rock hargneux et sans fioritures. Leur rage se ressent aussi bien dans les guitares frénétiques que dans la voix déchainée de Chad, qui n’hésite pas à cracher ses tripes pour faire détoner les morceaux, à la manière de At The Drive-In (ironie de la chose, ces derniers avaient justement signé chez Fearless Records).

Avec « New York City Moves To The Sound of L.A. » la formation attaque avec un déferlement de sonorités abruptes et on se prend d’entrée une grosse claque. Des basses entêtantes et une mélodie accrocheuse donnent de l’allure à « Cars Wars », tandis que le côté brut et viscéral de « Finale » en font sans doute le morceau le plus réussi de l’album. Si « Where Did It Go Wrong » est moins bon, ce n’est que pour mieux repartir avec l’agressif « Just Because » et le dansant « Postcards of Persuasion ». Parmi les titres les plus aboutis, notons aussi le féroce « Youth And Poverty ».

Funeral Party produit donc un rock débridé dans la lignée de celui des New-Yorkais de The Rapture. Mais leur potentiel a beau être flagrant et manifeste sur des chansons comme « Finale », l’album n’est tout de même pas exempt de certains défauts. Le principal est un sentiment de répétition, particulièrement perceptible sur « Giant Song » ou « City In Silhouettes ». A vrai dire, passée la 3ème piste, peu de morceaux ont la carrure du début de l’album (3 potentiels tubes). Il est aussi dommage que le titre final (et éponyme) manque de panache, pour assurer une sortie digne de ce nom aux Funeral Party.
On reste donc sur un sentiment d’inachevé : à peu de choses près, « The Golden Age of Knowhere » aurait pu être très bon. Pas d’inquiétude cependant, car devant l’énergie qui anime ce premier opus, on ne doute pas que les Funeral Party en ont encore sous le pied. A charge de revanche.


Franck A.

dimanche 20 février 2011

Beady Eye, Different Gear, Still Speeding (2011 )

Pour ceux qui ne seraient pas encore familiers de ce nom, attelons-nous à un bref rappel des faits. Le 28 août 2009, quelques minutes avant de jouer pour le festival Rock en Seine, Noël Gallagher quitte Oasis suite à une violente altercation avec son frère Liam. Les prières et le désespoir des fans n’y font rien, la décision est irrévocable et les Mancuniens annoncent officiellement leur séparation.

Si Noël se fait discret dans la presse , Liam multiplie quant à lui les déclarations fracassantes. Provocateur, hargneux, mégalomane, il n’hésite pas à blâmer son frère, à lui reprocher de voler des chansons d’Oasis pour un hypothétique projet solo, et il fait le bonheur de la presse en expliquant qu’il va former un nouveau groupe qui sera « bien meilleur qu’Oasis ». Il s’agira de « Beady Eye », qui comprend tous les ex-Oasis excepté Noël. Il se lance alors dans un sprint pour devancer son frère, allant même jusqu’à offrir un extrait de 20 secondes de l’album pour le prendre de vitesse. Soit dit en passant, il s’avéra qu’il était le seul à courir, Noël ayant récemment démenti les rumeurs d’un album solo.

La course s’achève en février 2011, avec la sortie de « Different Gear, Still Speeding ». Une certaine appréhension règne : Liam sans son frère, c’est presque une hérésie. Car la complémentarité entre sa voix et les paroles de Noël était une des clés du succès d’Oasis. Lors d’une de ses innombrables déclarations à la presse, il le reconnaîtra lui-même : « Je ne suis pas fort avec les mots. J’écris simplement les premières choses qui me passent par la tête ».

Première impression sur l’album : satisfaisant, sans plus. L’influence des Fab Four est toujours aussi présente, par exemple sur des morceaux comme « Millionnaire » ou « Wind Up Dream ». De mauvaises langues diraient d’ailleurs que le nom du groupe n’a pas été choisi innocemment : Beady Eye se classe juste à côté des Beatles dans les bacs des disquaires …
Quoi qu’il en soit, avec ou sans Noël, ça ressemble beaucoup à Oasis : « Four Letter Word » tient par exemple beaucoup d’un titre comme « Supersonic ». C’est logique et les fans n’en attendaient sans doute pas plus, mais on aurait aimé voir Liam prendre quelques risques pour apporter une touche personnelle à cette première réalisation.
Réchauffée ou pas, la recette prend encore et les chansons sont plutôt réussies, comme l’endiablée « Bring The Light » aux influences rockabilly ou la très rythmée « Three Ring Circus ». Deux compositions se distinguent particulièrement : « The Roller » et « The Beat Goes On », qui sonnent toutes deux très Lennon, et donnent un certain brio à l’album. A l’inverse, on se serait passé de « Beatles and Stones » et de ses paroles insipides, ou de l’ennuyeux « Kill For a Dream ».
Le reste est tout ce qu’il y a de plus classique, ni décevant ni transcendant, et l’album se conclut avec « The Morning Son », morceau calme et nostalgique, et au demeurant assez bon.

Avec « Different Gear, Still Speeding », Beady Eye ne joue donc pas la carte de la nouveauté. Malgré tout, l’album reste relativement convaincant, et les fans s’y retrouveront sans doute. Pour les autres, vous pouvez vous contenter des titres précédemment cités, à savoir « The Roller », « The Beat Goes On », Bring The Light », avant de retourner écouter « (What's the Story) Morning Glory? ».

Pour l’autre frère Gallagher, la suite demeure incertaine : à ce jour, on ne sait toujours pas s’il poursuivra une carrière solo. Ni si on le lui souhaite d’ailleurs. Car si on doutait du succès de Beady Eye, on peut à plus forte raison s’interroger sur la capacité de Noël à briller seul. Dans l’histoire, c’est sans doute Liam qui a emporté l’élément le plus précieux : sa voix, que Noël aura bien du mal à imiter.


Franck A.

lundi 7 février 2011

Tromboniste (fém. singulier)

Elle est jeune, elle est belle, elle est séduisante, elle est musicienne. Non, ce n’est pas une de ces jeunes pousses qui, poussée par les travers de l’industrie musicale (car il s’agit d’une véritable industrie avec tout ce que ce mot comporte de graisseux et de sale), se serait transformée en pouf péroxydée.

Peut-être parce que son talent pour la musique, elle le met au service d’un instrument qui n’a rien de très féminin, le trombone. Ou peut-être grâce à Ray Charles qui l’a soutenue et encouragé de sa connaissance et de sa passion de véritable Jazzman, bien loin de l’image du producteur/manager qui couve et étouffe ses jeunes ouailles inconscientes dans un carcan qu’il impose.


Sarah Morrow, c’est une blanche, c’est une tromboniste de jazz, et la première femme instrumentaliste de l’orchestre de Ray Charles.

Femme aux multiples visages, elle reste très moderne en jouant avec le hip hop sur ses bases de jazz type «negro music» comme l’appelait Duke Ellington, ou de jazz jamaïcain et surtout de funk. De très beaux solos, des montées en crescendo, une délicatesse dans son art du trombone (est-ce dû à cette fameuse sensibilité féminine?) et dans ses compositions incluant de très belles parties d’alto et de basse qui savent très bien la mettre en valeur. Car elle e se contente pas des reprises de ray Charles ou d’intégrer des orchestres ou groupes de renommée ( tournée en Europeavec Foley, ancien lead bass de Miles Davis; le Duke Ellington Orchestra en 1998, puis les Squirrel Nut Zippers); elle assure aussi les premières partie de Chick Corea et de Bireli Lagréne avec ses propores compos où

elle fait la aprt belle à son instrument, parfois relevé d’un ou deux autres instruments, selon son gré.


Son premier disque, «Green Light» (2000) est u tel succès en Europe qu’elle enchaîne avec le second dès 2002. «Standards and other Stories» est lui aussi très bien accueilli par Jazz Man et Jazz Hot, des mensuels de références pour les amateurs de jazz.

En 2007, elle confirme sa modernité avec le groupe Elektrik Air, qu’elle forme avec Sam Barsh/Rober Glasper au piano, Fender Rhodes à la basse, Nate Robinson/Chris Dave à la batterie et Jahi Sundance aux platines. Renouement avec des tendances HIp hop aux couleurs jazzies et retour à ses premières amours en version électrique.


[Interview réalisée avant le premier concert de Sarah Morrow, sur la scène Matisse, au Nice Jazz Festival 2000]


Pourquoi avez-vous chosi le trombone, comme instrument?

Sarah Morrow: "Vous savez, je ne sais vraiment pas pourquoi j'ai chosi le trombone..

En fait, j'ai commencé par jouer de la clarinette, mais pour je ne sais quelles raisons, j'ai toujours voulu jouer du trombone..

comme mes parents ne voulaient pas que j'arrête la clarinette, j'ai du mentir et leur dire que le dentiste me conseillait de changer d'instrument car la clarinette m'abimait les dents..

Je ne sais pas si ils m'ont cru ou si ils ont réalisé que je voulais vraiment jouer du trombone, mais ils m'ont laissé me mettre au trombone."


Quelle a été votre première rencontre avec le jazz?

Sarah Morrow: "La première fois que j'ai écouté du jazz, je devais avoir 17 ans, et j'étais au lycée. Il y a un big band à Columbus, la ville

d'où je viens, dans l'Ohio, et j'ai commencé à aller écouter leurs concerts..

et c'était la première fois que j'entendais un big band de jazz

J'ai adoré, et j'ai su tout de suite que c'était la musique que je voulais faire

Mais ce n'est que quelques années plus tard, que j'ai commencé à en jouer..

quand j'ai entendu jouer du jazz en petite formation, et que j'ai vraiment eu le déclic"


Quels sont les trombonistes qui vous influencent le plus?

Sarah Morrow: "Et bien, je serais obligée de dire JJ Johnson, Curtis Fuller, Slide Hampton et Steve Turre. Ce sont mes trombonistes préférés."



Vous avez été "découverte" par Ray Charles, comment s'est passé votre rencontre?

Sarah Morrow: "Et bien, il était l'artiste invité d'un orchestre local, le "Dayton Symphony Orchestra", et ils m'ont appelé pour jouer du trombone jazz avec lui, pour les deux concerts qu'il devait faire..

et il s'est trouvé qu'il avait besoin d'un tromboniste et qu'il a aimé ce qu'il a entendu

Voilà comment nous nous sommes rencontrés

Deux semaines plus tard, j'étais en tournée avec son groupe!"



A votre avis, est-il plus difficile pour une femme, que pour un homme, d'être musicien de jazz?

Sarah Morrow: "Probablement, de la même manière que pour toutes les professions qui sont à l'origine principalement masculines

Je pense que c'est un challenge, et qu'il ne faut pas laisser ce genre de chose vous empêcher d'essayer ou vous décourager

Il faut faire les choses les unes après les autres, et continuer à avancer, et, je crois que les opportunités se présenteront, éventuellement."



Et pour quelles raisons, selon vous, les femmes musiciennes sont elles si rares dans le jazz, bien que cela soit en train de changer?

Sarah Morrow: "Oui, c'est en train de changer, il y a de plus en plus de femmes..

Je crois que cela est dû à notre société, à notre éducation..

Moi-même, j'ai commencé à jouer du jazz assez tard, simplement parce que je ne pensais pas que je pouvais, parce que j'étais une femme..

je me rappelle penser: ma mère ne serait jamais musicienne de jazz..

Je pense que nous sommes élevés avec certaines idées sur ce qu'est notre rôle dans la société, mais c'est à l'évidence en train de changer, partout et dans toutes les professions, ce qui est une bonne chose."

Diane H.

jeudi 3 février 2011

Micah P. Hinson : Gospel, Orchestre et Saboteurs

L’habit ne fait pas le moine, c’est bien connu. Et Micah P. Hinson ne déroge pas à la règle : en écoutant sa musique, on s’attendrait presque à voir débouler sur scène un ex-tolard aviné, au corps massif et au visage abimé par cinquante ans de vie pénible. Au lieu de cela, c’est un maigrichon à lunettes d’à peine 30 ans, chemise à carreau, jean et baskets, qui vient, armé de sa guitare, présenter une musique chargée d’une émotion poignante, et d’une profondeur digne de Johnny Cash.

Un rapide retour sur son passé permet de comprendre d’où vient la surprenante puissance que dégage ce type : la vie pénible, Micah l’a bel et bien vécu. Porte monnaie vide, passage par la case SDF, toxicomanie notoire, prison, tout est là pour donner naissance à un esprit torturé à souhait et apte à composer autre chose que la daube superficielle à la mode en ce 21ème siècle. Parce qu’on l’oublie aisément, tant sa musique rappelle de grands noms défunts du blues et de la folk, mais Micah P. Hinson est bien un artiste des années 2000.


Tout commence ainsi en 2004 avec la sortie de son premier album, « Micah P. Hinson And The Gospel Of Progress », véritable promesse d’un talent prêt à s’exprimer. Dès les premières notes (« Yourself Asleep Again »), on sent le génie qui sommeille. Pas d’artifice particulier, juste un constat : incroyable l’émotion qui peut émaner de ce gringalet ! S’il s’agit la plupart du temps de morceaux sombres et relativement calmes, il montre qu’il sait aussi « s’énerver », comme dans « On My Way », où une fois n’est pas coutume, il est accompagné d’une batterie très énergique. La guitare est simplissime, un piano et quelques cordes viennent donner un peu densité à l’ensemble. C’est à la voix que revient le mérite d’élever ce premier album au rang de prouesse. Hinson n’a pas une voix particulièrement magnifique, mais la quantité d’émotions qu’il véhicule dès qu’il ouvre la bouche est juste bluffante. Le dernier morceau de l’album en est d’ailleurs l’exemple parfait (« The Day Texas Sank To The Bottom Of The Sea »). Finir un premier album là-dessus, c’est s’assurer le succès du deuxième, tellement on est avide de replonger dans un univers comme celui de Micah ! C’est d’ailleurs en partie grâce à ce morceau qu’il s’est immédiatement attiré les faveurs de critiques comme les Inrocks, entre autres.


Le deuxième album (traditionnellement considéré comme celui de la confirmation), arrive donc en 2006, et s’intitule « Micah P. Hinson And The Opera Circuit ». Le doute se dissipe : les ingrédients sont les mêmes, toujours aussi efficaces, et une fois de plus on se trouve transporté dès les premières notes (« Seems Almost Impossible »). Micah se fend même d’un titre plus festif qu’à l’accoutumée, tout à fait réussi (« Diggin A Grave », notez que le titre, lui, reste dans le thème habituel).

Sortiront ensuite « Micah P. Hinson And The Red Empire Orchestra » en 2008, et « All Dressed Up And Smelling Of Strangers » en 2009 : le premier est dans la continuité de ce que Hinson fait de mieux (je vous recommande « When We Embraced », « You Will Find Me », ou encore « Dyin’ Alone »), tandis que le 2ème est un recueil de reprises, qui permet de découvrir ses diverses influences. On peut y trouver, en toute logique, du Bob Dylan (« The Times They Are A Changin’ »), le « My Way » de Franck Sinatra (qui, rappelons le, n’est qu’une adaptation de « Comme D’habitude » de Claude François), le fameux « While My Guitar Gently Weeps » de Georges Harrison, ou encore du Leonard Cohen (« Suzanne ») et du Elvis Presley (« Are You Lonesome Tonight ? »).


Tout est donc là pour planter le décor de l’univers de Micah P. Hinson, et c’est donc après nous avoir permis de faire sa connaissance au fil des albums qu’il nous pond en 2010 « Micah P. Hinson And The Pioneer Saboteurs », un opus tout frais mais sans surprise. En effet, si la forme varie aléatoirement au gré de l’avancement de sa jeune carrière, le fond reste inlassablement le même. Mais c’est justement ce qui constitue l’identité même de sa musique : la gravité et la noirceur de ses compositions lui correspondent parfaitement, et on ne peut que saluer sa volonté à garder celles-ci intactes. Remarquez que dans sa démarche de recherche d’authenticité, Hinson change de musiciens à chaque nouvel album (comme en témoignent les titres de ceux-ci), s’assurant ainsi un contrôle total de sa musique. On obtient donc des titres toujours aussi poignants, du mélancolique et instrumental « A Call To Arms » à l’angoissant « The Returning » en passant par le chamanique « The Striking Before The Storm ».


En bref, un artiste envoutant qui constitue un véritable anachronisme, tant on a perdu l’habitude des artistes authentiques capables d’électriser une salle en ouvrant simplement la bouche. A ne pas rater dès qu’il sera de passage en France !


Vincent M.

mercredi 2 février 2011

Miles Davis Sketches of Spain

Il est probable que si on veuille s’initier au jazz , on devrait pas commencer par écouter ça ou ça ou ça , faute de quoi on risque assez rapidement de s’en dégoûter tout à fait. Je suis moi-même un complet novice en la matière. Je connais peau de zob aux structures, et c’est sans doute mieux. Le jazz, je viens récemment de m’y mettre et je sais pas comment faire pour en parler correctement ; Je suis tout nu pour ainsi dire (comme généralement en fin de soirée). Mais là je suis tombé sur un truc, qui me parle , et qui devrait parler à n’importe quel personne muni d'oreilles (j’inclue même les fans de Jason Mraz et de James Blunt ; c’est dire si j’ai foi en l’être humain) et qui me permet d'inaugurer ainsi de belle manière notre première incursion dans le sujet : « Sketches of Spain » de Miles Davis. Déjà le titre : « Esquisses d’Espagne ». C’est plus poétique que « j’irai chier dans ton vomi » pour sûr.

Outre qu’il est considéré comme un des albums les plus accessibles du maitre, qu’en dire si ce n’est que c’est vraiment très très beau ? Le disque s’amorce directement avec le plat de résistance, une relecture hyper-dramatique du Concerto d’Aranjuez, toute de violence retenue et douloureuse jusqu’au malaise. Je suis en train de l’écouter à l’instant, putain merdre c’est quelque chose. S’ensuit l’indolent « will of the wisp » ; Si lent, si lourd, si triste comme dirait l’autre. Pour « the pan piper », la vérité mon frère on dirait quelque fantasmagorique procession macabre, la vérité ! Le reste n’est pas tout à fait à l’avenant mais demeure excellent.
On pense à Ravel (surtout sur « will of the wisp » et son motif tourbillonnant), inévitablement : faut dire que les thèmes classiques hispanisants un peu connu sont pas vraiment légions , le Boléro, et l’Asturias d’Albeniz, (pour les fans des Doors, c’est de là que Krieger a tiré l’intro de « Spanish Caravan ») et je crois bien que c’est tout. Donc oui vous penserez à Ravel, Morricone…ces climats là. Climats dont le pouvoir évocateur doit énormément aux arrangements de Gil Evans.

Mais on entend aussi et surtout ce qui fait l’originalité de Miles Davis, cette noirceur suffisamment malléable pour qu’à son contact se multiplient les possibilités d’écoute. Cette ambiguité insinuante de sa musique, certains y voient l’expression d’un « chagrin distillé » (Nick Kent), moi j’entends surtout sourdre une menace diffuse, ou un lourd regret , ou un mal métaphysique, en tout cas, quelque chose chose d’impossiblement accablant. Il ya toujours un moment où la musique dérive vers quelque chose d’autre, il y a toujours un truc qui fait dérailler le bordel (ainsi à 4: 45 pendant le concerto, la trompette, feutrée jusque là, vient trouer le calme relatif qui précédait et se met à agoniser).On l'aura compris, on n’écoute pas « Sketches of Pain » en s’enfilant son Ricoré matinal.

Maintenant si vous voulez bien m’excuser, je vais me reclure pendant 72 heures pour me passer cet album en boucle.

Vianney G.
Justifier

lundi 31 janvier 2011

Cold War Kowards


COLD WAR KIDS : Mine Is Yours

Cold War Kids fait partie à mon sens des groupes actuels ayant l'une des plus fortes personnalités sonores. Quasiment irréprochables sur deux premiers albums aggressifs, purs, inspirés et originaux, oscillant au niveau des influences entre un blues revisité à la Jack White et le rock puissant des Kings of Leon à leurs glorieux débuts, si loin à présent. Après Robbers&Cowards (2006) et Loyalty to Loyalty, je dois dire que le troisième album des Californiens faisait donc selon moi tout naturellement partie des sorties rock attendues en 2011. C'est donc avec en enthousiasme non mesuré que je me suis lancé dans l'écoute de ce troisième album intitulé Mine is Yours. Et c'est là que le cauchemar commence... Dès les premières notes de la première chanson donnant son titre à l'album, ca pue le tube pour stade introduit avec des langoureux woooOOOoohhwOOOooohhh. Voilà qui n'annonce rien de bon... certes, souvent cela supportable, mais la voix de Nathan Willet a perdu sa force, sa rage, ses tripes, ses cou..... au profit d'une voix pop gentillette qui multiplie les envolées lyriques dans les aigus, dépourvue d'agressivité (comparez par exemple Bulldozer sur cet album à We Used To Vacation ou Hang Me Up To Dry sur leur premier album) et maquillée de textes niais (« I can feel your arms around me, hold me closer, hold me tightly », merci les mecs...). Il n'y a plus grand chose de nouveau, de recherché, on nous sert comme amuse bouche de cet album d'un groupe habituellement modèle d'inspiration un morceau facile, prévisible. On a presque envie d'introduire la chanson avec un « écoooute, c'est sur NRJ », comme on le ferait pour le dernier Maroon 5, comme on l'a fait pour Use Somebody des Kings of Leon, autrefois si brillants eux aussi...

Je ne crois pas si bien dire en utilisant cette comparaison puisqu'en lisant les premières critiques de cet album, j'apprends que les CWK ont engagé pour cet album le producteur de ces mêmes Kings of Leon, avec la même volonté que ces derniers depuis maintenant quelques années de devenir plus « grand public ». Une telle clarté dans les termes se passe de commentaires et me dissuaderait presque d'écouter le reste de l'album. Même intention, même résultat (j'aimerais pouvoir dire même punition). Chaque morceau est une nouvelle déception quand on se rappelle des morceaux bruts, authentiques et puissants comme l'énorme We Used To Vacation, le rageur Hang Me Up To Dry, le percutant Something Is Not Right With Me, Hair Down, Passing The Hat, et j'en passe. Tant de talent, de personnalité, d'âme sacrifiés sur l'autel de la notoriété et du « grand public ». À trop vouloir plaire, les Cold War Kids se sont sur cet album rendus coupable d'avoir atténué leur caractère, d'avoir lissé leur traits, donnant même l'impression d'avoir refusé de chercher, d'avoir activé le pilotage automatique. Ils ont avec cet album voulu pouvoir remplir des stades, personnellement j'aurais préféré qu'ils gardent et enrichissent leur style si particulier, quitte à en rester aux bonnes vieilles salles bien glauques mais remplies d'un public averti et connaisseur, plutôt que de donner dans la bonne vieille formule guitares+voix bourrées d'échos/refrains pop pisseux entêtants, sympathiques certes mais sans intérêt réel, sans génie... Là encore l'analogie avec le dernier KoL est frappante.

Essayons tout de même de dénicher dans cette boue informe un ou deux morceaux de bravoure qui sauveraient le tout. Il faut admettre que la sombre daube d'introduction ne met pas dans de bonnes disposition pour écouter objectivement le reste... Mon indulgence se dirigera particulièrement vers le morceau (j'ai mis un certain temps à remplir le blanc qu'était cette partie de l'article) Cold Toes On The Cold Floor qui présente les reliques, les restes encore fumants du talent de ces Californiens. On pourrait également citer Sensitive Kid dans le moins mauvais... en fait on se rend compte que bien souvent l'intro est accrocheuse et plutôt réussie (Sauf sur Mine Is Yours où pour le coup la couleur est vraiment annoncée dès le début), et ce n'est qu'ensuite qu'on a presque le droit à du ColdPlay bien propre...

Que penser alors des Californiens de Cold War Kids après cet album? Si on en reste là, il s'agit d'un groupe sans grand intérêt musical autre que celui de vous mettre des refrains tout faits dans la tête, remplir les stades et faire allumer les briquets (en témoignent l'insupportable Skip The Charades)... personnellement, je préfère fuir la douleur, me dire qu'après tout malgré son lot d'étrons tout n'est pas si mauvais dans ce disque et me rappeler surtout, par souci d'hygiène intellectuelle, de ce qu'ils on pu produire de grand auparavant. Je ne peux que vous inviter à en faire de même...


Lucas M.

dimanche 23 janvier 2011

Les Pixies, lutins rockeurs de Boston

Rendus célèbres par la chanson « Where Is My Mind? » dans la BO de Fight Club (la fameuse scène finale où tout explose alors que Edward Norton et Helena Bonham Carter sont côte à côte), c’est malheureusement souvent tout ce que le néophyte connait de ce groupe génial. Rendons donc à César ce qui lui appartient et replaçons les choses dans leur contexte.

Les Pixies peuvent se targuer de faire office de figure de proue du rock alternatif. Leur formation en 1986, dans des années souvent considérées comme stériles, avec un rock qui se cherche après la fin du punk, semble relever d’une erreur temporelle. Certes, la décennie contient son lot d’artistes qui en valent le détour (INXS, Sonic Youth, REM, Violent Femmes, Gang of Four, Mudhoney, The Fall, Orange Juice…). Mais combien peuvent prétendre à une influence comparable à celle des Pixies ?

Cette fascination n’a peut-être d’égale que l’invraisemblance de leur rencontre, enchevêtrement improbable des fils du destin. Charles Thompson IV, alias Black Francis (chanteur principal) rencontre d’abord Joey Santiago (futur guitariste) avec qui il partage une chambre à l’université. Une amitié se développe entre ces deux passionnés de musique, qui décident un peu plus tard de former un groupe de rock. Ils passent alors une annonce dans un journal pour trouver une bassiste, et Kim Deal se présente à leur porte. La demoiselle en question ne sait pas jouer de la basse : tant pis, on ne s’arrêtera pas à ce petit détail. Peut-être parce que sa fougue est visible, et son caractère bien trempé. Ou alors parce qu’elle est la seule à avoir donné suite à leur annonce (il faut dire aussi qu’ « une bassiste qui aimait à la fois le trio de folk Peter, Paul and Mary et le groupe Hüsker Dü », ça ne court pas forcément les rues). Ne manque alors plus qu’un batteur et un nom. Pour le premier, coup de chance, Kim se souvient avoir croisé quelqu’un à un mariage : ce sera David Lovering. Pour le second, la consultation d’un dictionnaire fera l’affaire.

Après quelques répétitions dans le garage de David, la nouvelle formation sort un bon premier EP, Come On Pilgrim, en 1987. « Caribou » érige Francis Black comme maître dans sa discipline, capable aussi bien d’une voix apaisée de fausset que d’un timbre rageur et mordant. « Nimrod’s Son » illustre son obsession jamais démentie pour les thèmes bibliques, tandis que « The Holiday Song » aborde l’onanisme.

En 1988, une bombe rock détonne dans un paysage désolé. C’est Surfer Rosa, le premier album des Pixies, qui leur conférera une reconnaissance éternelle. Non content de bénéficier du rare talent de son chanteur, il doit aussi une grande partie de son succès à sa synergie avec Kim, pas tant pour son jeu de basse (par ailleurs en nette amélioration), que pour sa voix utilisée en complément de Black, établissant une atmosphère électrisante, comme sur « River Euphrates ». C’est aussi elle qui écrit et chante « Gigantic », morceau plébiscité par les foules, une sorte d’alter-ego à « Where Is My Mind? », écrite et chantée par Black. Evoquons encore « Something Against You », pleine d’une rage autant instrumentale que vocale dans un style assez hardcore, « Oh My Golly! », qui illustre la fougue indomptable du batteur, ou encore le joyeux « Vamos » chanté en espagnol.
Ce qui ressort surtout de Surfer Rosa, c’est l’alternance entre des couplets calmes et des refrains débridés, style peu ou pas exploité à l’époque dont on leur reconnait la paternité, et qui va devenir la marque de fabrique du groupe.

Mais la bande de lutins ne s’arrête pas là, et sort l’année suivante Doolittle, qui, aux côtés de Surfer Rosa, se dispute généralement la première place dans le cœur des fans des Pixies. Alors qu’avec le premier, on était dans un style assez sale et brut, le second est beaucoup plus propre, conséquence d’un changement de producteur, et d’une hausse de budget. Bien qu’adepte du lo-fi, ma préférence va quand même à Doolittle, qui regorge de merveilles insoupçonnées.
« Debaser » introduit l’album en opposant la hargne de Black à la douceur des contre-chants de Kim. « Wave of Mutilation » est pleine d’un charme insaisissable, et véhicule une émotion presque palpable. Ce thème de la souffrance, souvent exploitée par Black, se retrouve aussi dans « I Bleed ». Pépite pop très dansante au refrain prenant, « Here Comes Your Man » en est aux antipodes. « Dead » joue sur de brusques changement de rythme, et « Monkey Gone To Heaven », autre morceau très connu des Pixies, parle de la destruction du monde par l’homme. Encore plus que dans Surfer Rosa, tout est bien fait et bien construit dans cet album, et des morceaux comme « There Goes My Gun » l’attestent. Il se conclut avec « Silver », émouvant duo entre Black et Kim, et « Gouge Away », bel exemple du génie rebelle du groupe.

Tout semble aller pour le mieux, mais des tensions apparaissent entre Francis et Kim. Le premier est assez méthodique et sérieux, tandis que la seconde est en proie à des problèmes de drogue et d’alcool. Pour certains concerts, elle arrive en retard, pour d’autres, elle ne tient plus debout. Les Pixies annoncent logiquement une pause, au cours de laquelle chacun va vaquer à ses occupations. Kim renouera alors avec son groupe d’enfance, les Breeders (qui comprend notamment une membre des Throwing Muses), pour sortir un premier album, Pod.

Après ce break, le groupe se retrouve pour un nouvel opus en 1990, Bossanova. Conséquence des frasques de Kim, il mettra cette fois-ci bien plus en avant la personne de Black, auteur et chanteur principal de toutes les chansons. Si sa présence en contrepoint de celle de Kim se fait parfois regretter, cela ne suffit pas à nuire à la qualité de l’ensemble, qui, malgré toutes ces tensions, reste d’excellente facture.
Evolution principale : les chansons bestiales qui caractérisaient Surfer Rosa et Doolittle sont ici quasi absentes, sauf pour « Rock Music » et ses paroles incompréhensibles (« Your Mouth's A Mile Away »). Mais le groupe en profite pour concocter des mélodies et des riffs géniaux, comme sur « Ana » et sa ligne de guitare ensorcelante. La basse fait un travail formidable sur « Is She Weird », et la batterie donne tout son panache à « Down to the Well ». « The Happening » est soufflante : la tension aérienne semble ne jamais vouloir s’arrêter, mais elle est soudain rompue lorsque Black change de ton (mais comment fait-il ?) pour prononcer « … beneath the sky ». Evoquons encore « Hang Wire », alternance réussie entre rage et accalmie dans le chant de Black et « Havalina », qui conclut Bossanova de façon très mélodieuse.

Avec la tournée qui s’ensuit, les tensions entre Kim et Black subsistent. On parle même d’une séparation prochaine du groupe. C’était sans compter la production, qui, pour le meilleur ou pour le pire, parvint à les convaincre de travailler une dernière fois ensemble. On aurait pu craindre qu’il s’agisse là du fameux album de trop, qui confirme la mort de l’inspiration d’un groupe. Et pourtant, sous leur chapeaux pointus, nos lutins dissimulaient encore quelques surprises. Des rumeurs soutenaient que le style musical des Pixies avait évolué vers du heavy metal. Si elles furent vite infirmées à la sortie de Trompe Le Monde en 1991, certains titres n’en demeurent pas moins marqués par un son violent. La rage présente dans Surfer Rosa refait surface, comme dans « Planet of Sound ». Le titre éponyme de l’album explore un peu toutes les directions, et mise sur des effets d’éloignement des guitares et de réverb pour opérer une séduction efficace. « Alec Eiffel » est un hommage réussi à la fameuse tour parisienne, qui a toujours fasciné Black, tandis que « Head On » est une reprise dynamique de The Jesus and Mary Chain. « Letter to Memphis » est une des rares chansons d’amour (avec « La La Love You ») composées par les Pixies. Le festival continue avec « Bird Dream of the Olympus Mons », qui se distingue par des sonorités inquiétantes presque imperceptibles en arrière plan. « Motorway to Roswell » constitue une belle chanson pop et « The Navajo Know » se nappe d’une atmosphère riche et décomplexée, qui sonne tristement la fin de l’album…

L’influence des Pixies trouvera un écho chez de nombreux musiciens, au premier rang desquels on trouve Kurt Cobain, grand admirateur de Surfer Rosa et qui reconnait volontiers que son « Smells Like Teen Spirit » n’aurait jamais vu le jour sans eux. A ce propos David Bowie dira d’ailleurs : « J’ai été très déçu le jour où j’ai appris que les Pixies se séparaient. Quel gâchis… Je les imaginais déjà conquerir le monde. Quand j’ai entendu Nevermind de Nirvana pour la première fois, j’ai été très en colère. Les dynamiques des morceaux, c’était une razzia totale des Pixies. J’aurais tellement aimé voir les Pixies et Sonic Youth au sommet. » S’il faut encore donner un nom, citons par exemple Damon Albarn, qui reconnaît qu’il voulait sonner comme les Pixies aux débuts de Blur.

Avec la séparation des Pixies, c’est donc la fin d’une légende. Enfin, presque. D’une part, parce que les membres vont se reformer pour des concerts de temps en temps. D’autre part parce qu’ils continuent à exprimer leur talent dans des projets solos.
Black Francis entame une carrière réussie sous le pseudonyme de Frank Black, écoutez par exemple « You Ain’t Me » ou « Headache ». Kim Deal continuera quant à elle l’aventure qu’elle avait entamée avec les Breeders, et sortira notamment en 1993 l’album à succès Last Splash, qui contient les morceaux « Cannonball » et « Divine Hammer ». A ce jour, elle y officie encore.

La perspective d’un nouvel album des Pixies n’est aujourd’hui pas à l’ordre du jour. Pourtant, Kim et Charles n’ont jamais perdu l’envie de faire de la musique. Les Pixies ont fait beaucoup de belles choses, et elles ne l’ont jamais été autant que quand ces deux-là parvenaient à s’entendre. On aurait aimé voir cette synergie œuvrer à nouveau, pour une dernière merveille...


Franck A.

jeudi 20 janvier 2011

Sharon Jones, "soul sister number one"

Elle, je sais pas pourquoi j’en ai pas parlé avant, et encore moins pourquoi je l’ait étourdiment oublié au moment d’établir mon best of des années 2000. Je suis vraiment une méchante fille. C’était d’autant plus regrettable que je l’avais vu en live au Nancy Jazz Pulsations il y a trois ou quatre ans et que je m’étais pris une claque monumentale. Réparons l’outrage.

Le titre de son dernier album, « i learned the hard way », sonne comme un aveu ; Sharon Jones en a chié. Durant toutes ces années de purgatoire à attendre son heure, à s’entendre dire par des directeurs de label qu’elle était « trop petite, trop grosse, trop noire et trop vieille », elle s’est essayé aux plus improbables boulots alimentaires: gardienne de prison à Rikers Island, convoyeuse de fonds pour la Wells Fargo (" Je portais un 38. J'étais une bonne tireuse"). En 1996, Gabriel Roth, jeune producteur de soul new-yorkais, aujourd’hui patron du label Daptone Records (Retenez bien ce nom: ça va devenir une formule magique dans les années à venir), cherche trois choristes pour une séance d’enregistrement avec Lee Fields (vétéran soul lui aussi chez Daptone Records). Sharon Jones décide alors de nous faire une Keith Moon. Elle lui annonce, bravache, qu'il peut en virer deux: "Je peux faire les trois voix moi-même. Tu feras des économies et je gagnerai plus ! ». Roth est sous le charme et décide de monter un projet autour d’elle, Sharon Jones and the Dap Kings, où il tiendra la basse. Tout ceci confirme une chose évidente; si on veut chanter la souffrance, il faut avoir souffert .

Sharon Jones et les Dap Kings se font la main sur un premier album brut (« dap dippin with the Dap Kings ») mais qui ne s’éloigne qu’insuffisamment des canons de l’orthodoxie funk pour pouvoir être vraiment totalement aimable. Les choses s’améliorent nettement avec le deuxième album, traversés par un funk encore très brownien par moments (« your thing is a drag », « my man is a mean man »,), mais aussi de merveilles plus surprenantes, notamment une version pas croyable du «this land is your land» de Woody Guthrie (attestant une fois de plus des passerelles entre musique noire, folk et country), un duo hilarant avec Lee Fields, son désormais collègue de Daptone records («stranded in your love») et en règle générale, du groove en veux-tu-en voilà ( « how long do I have to wait for you », «all over again », «how do I let a good man down »). Mais c’est véritablement avec «100 days, 100 nights» qu’ils explosent. Il faut dire qu’avec des bombes (toutes composées ou quasi par Roth) comme «keep on looking », « tell me », « answer me », « 100 days, 100 nights», qu’ils aient persisté dans la confidentialité êut été un putain de joli scandale. Ils en écouleront 150 000 exemplaires, ce qui est un score excellent pour un label indé (pour donner un ordre d’idées, le premier Mgmt s’est vendu à 2 millions d’exemplaires, ce qui était risible il y a encore 10 ans).

Avec « i learned the hard way » Ils poursuivent leur petit bonhomme de chemin, avec une maitrise totale, qu’ils piochent dans le son girls group (« give it back »), dans la soul ultra orchestrée (voire même un peu pompière sur «the game gets old ») ou qu’ils donnent dans un des motifs favoris du genre, la cheatin soul, (« i learned the hard way »), à chaque fois, c’est idéal. Jamais rien de superfétatoire. C’est concis, tendu, sophistiqué, et ça botte le cul ( «she ain’t a child no more »). Quand à Jones, elle est souveraine. On parle volontiers d’elle comme d’une « female james brown ». Certains l’appellent aussi « soul sister number one ». Il faut dire qu’étant né comme le gros James à Augusta en Géorgie, la comparaison s’impose d’elle même. Mais à l’heure où certains essaient de nous faire passer Colin Bailey Rae pour une nouvelle Minnie Ripperton, ces compliments pourraient paraitre exagérément flatteuses. Et bien en fait absolument pas.

Une james brown au féminin donc. Ce n’est pas faux. On retrouve chez elle ces manières autoritaires de demander un break, ces « wait a minute » impatients , cette incandescence spectaculaire sur scène commune au Godfather of Soul. Elle possède aussi sa férocité. On retrouve également chez elle la gouaille drolatique d’une Millie Jackson (« money »). Les dap kings, je n’ai pas grand chose à en dire, sinon qu’il s’agit probablement du meilleur orchestre soul-funk depuis les grandes heures des JB’s et des Meters. Ils ont le son. C’est à eux que la Winehouse doit son « back to black » (interrogé en 2007 sur cette dernière, Jones sortait les crocs: « they jumped on our wagon !». Rappelons qu’ Amy Winehouse, entre deux cures de désintox voués à l’échec a quand même écrit 2,3 immenses chansons. Si c’était une simple faussaire, ça se saurait)

Soyons clairs : Il n’y a aucune servilité chez eux, juste un goût amoureux pour la musique noire de la grande époque. Et qu’on ne vienne pas me parler de « vintage », rien que le mot m’évoque ces meubles anciens Ikea qu’achète Dieu sait qui. Confondre l’authenticité avec le pittoresque facile, c’est ne voir dans le genre que son exotisme, c'est-à-dire être un touriste . Il ne s’agit pas de savoir si c’est « old school », la question n’est pas là. Roth le dit très bien : “We don’t have a retro approach. We are not referencing old music. We don’t fetish-ize vintage equipment or afro-wigs or bell-bottoms. Our music sounds authentic because it is authentic. It's real people making real music. From the depths of our souls. From our heart of hearts. When it’s real, you don’t have to worry about any of that "retro revival genre" kind of shit.” Autant pour le vintage. D’ailleurs même lorqu’on loue « l’authenticité » d’un soulman, ça me parait suspect : C’est quoi un soulman « authentique » ? Un noir d’Atlanta ou de La Nouvelle-Orléans? C’est pas l’extraction qui compte, c’est le degré de foi, de hargne avec lequel on embrasse le truc. Sharon jones ne bouscule pas la tradition ; Elle la bat à son propre jeu. Elle l’écrase avec son gros cul noir.

La chose la plus vraie sur Sharon Jones a été dite par le magazine Refresh "Dans la lignée des grandes diva soul, l'immense Sharon Jones est de celle qui laisse à penser que des légendes se créent encore". C’est exactement ça ; Elle n’est pas l’émule de qui que ce soit. Elle se pose elle-même comme une nouvelle référence , du niveau des Mavis Staples, des Aretha Frankin, des Etta James, de toutes ces brillantes devancières. Et c’est aujourd’hui que ça se passe ; on ne se rend pas compte du miracle qu’est cette fille, on ne se rend pas compte qu’on est tous des sacrés veinards.

Sharon Jones : Une des meilleures raisons de vivre en 2010 qui se puisse trouver. Avec les films de James Gray, Philip Roth, Richard Hawley, Jiro Taniguchi, Léa Seydoux et Mahmoud Ahmadinejad.

Vianney G.