dimanche 27 février 2011

Funeral Party, The Golden Age of Knowhere (2011 )

On les présente comme les « Strokes californiens » ou encore comme « la next big thing du moment ». Nul doute que de nombreux groupes avant eux ont eu droit à ces qualificatifs élogieux. Et c’est bien le problème : à force de crier au loup, on ne sait plus trop à quoi on a affaire. Derrière ces sobriquets flatteurs, qu’en est-il des Funeral Party : opération marketing ou vraie révélation musicale ?

Formé autour de Chad Elliott, le groupe californien signe d’abord chez Fearless Records, une filiale de Warner. Mais des dissensions éclatent quand le label essaie d’orienter leur musique vers du pop/punk, plus tendance et plus profitable. Bien mal leur en prit, puisque c’est finalement Sony qui rafle la mise en signant le groupe pour un premier album en 2011 : « The Golden Age of Knowhere ». Loin des clichés à la Blink 182, Funeral Party nous livre un album de rock hargneux et sans fioritures. Leur rage se ressent aussi bien dans les guitares frénétiques que dans la voix déchainée de Chad, qui n’hésite pas à cracher ses tripes pour faire détoner les morceaux, à la manière de At The Drive-In (ironie de la chose, ces derniers avaient justement signé chez Fearless Records).

Avec « New York City Moves To The Sound of L.A. » la formation attaque avec un déferlement de sonorités abruptes et on se prend d’entrée une grosse claque. Des basses entêtantes et une mélodie accrocheuse donnent de l’allure à « Cars Wars », tandis que le côté brut et viscéral de « Finale » en font sans doute le morceau le plus réussi de l’album. Si « Where Did It Go Wrong » est moins bon, ce n’est que pour mieux repartir avec l’agressif « Just Because » et le dansant « Postcards of Persuasion ». Parmi les titres les plus aboutis, notons aussi le féroce « Youth And Poverty ».

Funeral Party produit donc un rock débridé dans la lignée de celui des New-Yorkais de The Rapture. Mais leur potentiel a beau être flagrant et manifeste sur des chansons comme « Finale », l’album n’est tout de même pas exempt de certains défauts. Le principal est un sentiment de répétition, particulièrement perceptible sur « Giant Song » ou « City In Silhouettes ». A vrai dire, passée la 3ème piste, peu de morceaux ont la carrure du début de l’album (3 potentiels tubes). Il est aussi dommage que le titre final (et éponyme) manque de panache, pour assurer une sortie digne de ce nom aux Funeral Party.
On reste donc sur un sentiment d’inachevé : à peu de choses près, « The Golden Age of Knowhere » aurait pu être très bon. Pas d’inquiétude cependant, car devant l’énergie qui anime ce premier opus, on ne doute pas que les Funeral Party en ont encore sous le pied. A charge de revanche.


Franck A.

dimanche 20 février 2011

Beady Eye, Different Gear, Still Speeding (2011 )

Pour ceux qui ne seraient pas encore familiers de ce nom, attelons-nous à un bref rappel des faits. Le 28 août 2009, quelques minutes avant de jouer pour le festival Rock en Seine, Noël Gallagher quitte Oasis suite à une violente altercation avec son frère Liam. Les prières et le désespoir des fans n’y font rien, la décision est irrévocable et les Mancuniens annoncent officiellement leur séparation.

Si Noël se fait discret dans la presse , Liam multiplie quant à lui les déclarations fracassantes. Provocateur, hargneux, mégalomane, il n’hésite pas à blâmer son frère, à lui reprocher de voler des chansons d’Oasis pour un hypothétique projet solo, et il fait le bonheur de la presse en expliquant qu’il va former un nouveau groupe qui sera « bien meilleur qu’Oasis ». Il s’agira de « Beady Eye », qui comprend tous les ex-Oasis excepté Noël. Il se lance alors dans un sprint pour devancer son frère, allant même jusqu’à offrir un extrait de 20 secondes de l’album pour le prendre de vitesse. Soit dit en passant, il s’avéra qu’il était le seul à courir, Noël ayant récemment démenti les rumeurs d’un album solo.

La course s’achève en février 2011, avec la sortie de « Different Gear, Still Speeding ». Une certaine appréhension règne : Liam sans son frère, c’est presque une hérésie. Car la complémentarité entre sa voix et les paroles de Noël était une des clés du succès d’Oasis. Lors d’une de ses innombrables déclarations à la presse, il le reconnaîtra lui-même : « Je ne suis pas fort avec les mots. J’écris simplement les premières choses qui me passent par la tête ».

Première impression sur l’album : satisfaisant, sans plus. L’influence des Fab Four est toujours aussi présente, par exemple sur des morceaux comme « Millionnaire » ou « Wind Up Dream ». De mauvaises langues diraient d’ailleurs que le nom du groupe n’a pas été choisi innocemment : Beady Eye se classe juste à côté des Beatles dans les bacs des disquaires …
Quoi qu’il en soit, avec ou sans Noël, ça ressemble beaucoup à Oasis : « Four Letter Word » tient par exemple beaucoup d’un titre comme « Supersonic ». C’est logique et les fans n’en attendaient sans doute pas plus, mais on aurait aimé voir Liam prendre quelques risques pour apporter une touche personnelle à cette première réalisation.
Réchauffée ou pas, la recette prend encore et les chansons sont plutôt réussies, comme l’endiablée « Bring The Light » aux influences rockabilly ou la très rythmée « Three Ring Circus ». Deux compositions se distinguent particulièrement : « The Roller » et « The Beat Goes On », qui sonnent toutes deux très Lennon, et donnent un certain brio à l’album. A l’inverse, on se serait passé de « Beatles and Stones » et de ses paroles insipides, ou de l’ennuyeux « Kill For a Dream ».
Le reste est tout ce qu’il y a de plus classique, ni décevant ni transcendant, et l’album se conclut avec « The Morning Son », morceau calme et nostalgique, et au demeurant assez bon.

Avec « Different Gear, Still Speeding », Beady Eye ne joue donc pas la carte de la nouveauté. Malgré tout, l’album reste relativement convaincant, et les fans s’y retrouveront sans doute. Pour les autres, vous pouvez vous contenter des titres précédemment cités, à savoir « The Roller », « The Beat Goes On », Bring The Light », avant de retourner écouter « (What's the Story) Morning Glory? ».

Pour l’autre frère Gallagher, la suite demeure incertaine : à ce jour, on ne sait toujours pas s’il poursuivra une carrière solo. Ni si on le lui souhaite d’ailleurs. Car si on doutait du succès de Beady Eye, on peut à plus forte raison s’interroger sur la capacité de Noël à briller seul. Dans l’histoire, c’est sans doute Liam qui a emporté l’élément le plus précieux : sa voix, que Noël aura bien du mal à imiter.


Franck A.

lundi 7 février 2011

Tromboniste (fém. singulier)

Elle est jeune, elle est belle, elle est séduisante, elle est musicienne. Non, ce n’est pas une de ces jeunes pousses qui, poussée par les travers de l’industrie musicale (car il s’agit d’une véritable industrie avec tout ce que ce mot comporte de graisseux et de sale), se serait transformée en pouf péroxydée.

Peut-être parce que son talent pour la musique, elle le met au service d’un instrument qui n’a rien de très féminin, le trombone. Ou peut-être grâce à Ray Charles qui l’a soutenue et encouragé de sa connaissance et de sa passion de véritable Jazzman, bien loin de l’image du producteur/manager qui couve et étouffe ses jeunes ouailles inconscientes dans un carcan qu’il impose.


Sarah Morrow, c’est une blanche, c’est une tromboniste de jazz, et la première femme instrumentaliste de l’orchestre de Ray Charles.

Femme aux multiples visages, elle reste très moderne en jouant avec le hip hop sur ses bases de jazz type «negro music» comme l’appelait Duke Ellington, ou de jazz jamaïcain et surtout de funk. De très beaux solos, des montées en crescendo, une délicatesse dans son art du trombone (est-ce dû à cette fameuse sensibilité féminine?) et dans ses compositions incluant de très belles parties d’alto et de basse qui savent très bien la mettre en valeur. Car elle e se contente pas des reprises de ray Charles ou d’intégrer des orchestres ou groupes de renommée ( tournée en Europeavec Foley, ancien lead bass de Miles Davis; le Duke Ellington Orchestra en 1998, puis les Squirrel Nut Zippers); elle assure aussi les premières partie de Chick Corea et de Bireli Lagréne avec ses propores compos où

elle fait la aprt belle à son instrument, parfois relevé d’un ou deux autres instruments, selon son gré.


Son premier disque, «Green Light» (2000) est u tel succès en Europe qu’elle enchaîne avec le second dès 2002. «Standards and other Stories» est lui aussi très bien accueilli par Jazz Man et Jazz Hot, des mensuels de références pour les amateurs de jazz.

En 2007, elle confirme sa modernité avec le groupe Elektrik Air, qu’elle forme avec Sam Barsh/Rober Glasper au piano, Fender Rhodes à la basse, Nate Robinson/Chris Dave à la batterie et Jahi Sundance aux platines. Renouement avec des tendances HIp hop aux couleurs jazzies et retour à ses premières amours en version électrique.


[Interview réalisée avant le premier concert de Sarah Morrow, sur la scène Matisse, au Nice Jazz Festival 2000]


Pourquoi avez-vous chosi le trombone, comme instrument?

Sarah Morrow: "Vous savez, je ne sais vraiment pas pourquoi j'ai chosi le trombone..

En fait, j'ai commencé par jouer de la clarinette, mais pour je ne sais quelles raisons, j'ai toujours voulu jouer du trombone..

comme mes parents ne voulaient pas que j'arrête la clarinette, j'ai du mentir et leur dire que le dentiste me conseillait de changer d'instrument car la clarinette m'abimait les dents..

Je ne sais pas si ils m'ont cru ou si ils ont réalisé que je voulais vraiment jouer du trombone, mais ils m'ont laissé me mettre au trombone."


Quelle a été votre première rencontre avec le jazz?

Sarah Morrow: "La première fois que j'ai écouté du jazz, je devais avoir 17 ans, et j'étais au lycée. Il y a un big band à Columbus, la ville

d'où je viens, dans l'Ohio, et j'ai commencé à aller écouter leurs concerts..

et c'était la première fois que j'entendais un big band de jazz

J'ai adoré, et j'ai su tout de suite que c'était la musique que je voulais faire

Mais ce n'est que quelques années plus tard, que j'ai commencé à en jouer..

quand j'ai entendu jouer du jazz en petite formation, et que j'ai vraiment eu le déclic"


Quels sont les trombonistes qui vous influencent le plus?

Sarah Morrow: "Et bien, je serais obligée de dire JJ Johnson, Curtis Fuller, Slide Hampton et Steve Turre. Ce sont mes trombonistes préférés."



Vous avez été "découverte" par Ray Charles, comment s'est passé votre rencontre?

Sarah Morrow: "Et bien, il était l'artiste invité d'un orchestre local, le "Dayton Symphony Orchestra", et ils m'ont appelé pour jouer du trombone jazz avec lui, pour les deux concerts qu'il devait faire..

et il s'est trouvé qu'il avait besoin d'un tromboniste et qu'il a aimé ce qu'il a entendu

Voilà comment nous nous sommes rencontrés

Deux semaines plus tard, j'étais en tournée avec son groupe!"



A votre avis, est-il plus difficile pour une femme, que pour un homme, d'être musicien de jazz?

Sarah Morrow: "Probablement, de la même manière que pour toutes les professions qui sont à l'origine principalement masculines

Je pense que c'est un challenge, et qu'il ne faut pas laisser ce genre de chose vous empêcher d'essayer ou vous décourager

Il faut faire les choses les unes après les autres, et continuer à avancer, et, je crois que les opportunités se présenteront, éventuellement."



Et pour quelles raisons, selon vous, les femmes musiciennes sont elles si rares dans le jazz, bien que cela soit en train de changer?

Sarah Morrow: "Oui, c'est en train de changer, il y a de plus en plus de femmes..

Je crois que cela est dû à notre société, à notre éducation..

Moi-même, j'ai commencé à jouer du jazz assez tard, simplement parce que je ne pensais pas que je pouvais, parce que j'étais une femme..

je me rappelle penser: ma mère ne serait jamais musicienne de jazz..

Je pense que nous sommes élevés avec certaines idées sur ce qu'est notre rôle dans la société, mais c'est à l'évidence en train de changer, partout et dans toutes les professions, ce qui est une bonne chose."

Diane H.

jeudi 3 février 2011

Micah P. Hinson : Gospel, Orchestre et Saboteurs

L’habit ne fait pas le moine, c’est bien connu. Et Micah P. Hinson ne déroge pas à la règle : en écoutant sa musique, on s’attendrait presque à voir débouler sur scène un ex-tolard aviné, au corps massif et au visage abimé par cinquante ans de vie pénible. Au lieu de cela, c’est un maigrichon à lunettes d’à peine 30 ans, chemise à carreau, jean et baskets, qui vient, armé de sa guitare, présenter une musique chargée d’une émotion poignante, et d’une profondeur digne de Johnny Cash.

Un rapide retour sur son passé permet de comprendre d’où vient la surprenante puissance que dégage ce type : la vie pénible, Micah l’a bel et bien vécu. Porte monnaie vide, passage par la case SDF, toxicomanie notoire, prison, tout est là pour donner naissance à un esprit torturé à souhait et apte à composer autre chose que la daube superficielle à la mode en ce 21ème siècle. Parce qu’on l’oublie aisément, tant sa musique rappelle de grands noms défunts du blues et de la folk, mais Micah P. Hinson est bien un artiste des années 2000.


Tout commence ainsi en 2004 avec la sortie de son premier album, « Micah P. Hinson And The Gospel Of Progress », véritable promesse d’un talent prêt à s’exprimer. Dès les premières notes (« Yourself Asleep Again »), on sent le génie qui sommeille. Pas d’artifice particulier, juste un constat : incroyable l’émotion qui peut émaner de ce gringalet ! S’il s’agit la plupart du temps de morceaux sombres et relativement calmes, il montre qu’il sait aussi « s’énerver », comme dans « On My Way », où une fois n’est pas coutume, il est accompagné d’une batterie très énergique. La guitare est simplissime, un piano et quelques cordes viennent donner un peu densité à l’ensemble. C’est à la voix que revient le mérite d’élever ce premier album au rang de prouesse. Hinson n’a pas une voix particulièrement magnifique, mais la quantité d’émotions qu’il véhicule dès qu’il ouvre la bouche est juste bluffante. Le dernier morceau de l’album en est d’ailleurs l’exemple parfait (« The Day Texas Sank To The Bottom Of The Sea »). Finir un premier album là-dessus, c’est s’assurer le succès du deuxième, tellement on est avide de replonger dans un univers comme celui de Micah ! C’est d’ailleurs en partie grâce à ce morceau qu’il s’est immédiatement attiré les faveurs de critiques comme les Inrocks, entre autres.


Le deuxième album (traditionnellement considéré comme celui de la confirmation), arrive donc en 2006, et s’intitule « Micah P. Hinson And The Opera Circuit ». Le doute se dissipe : les ingrédients sont les mêmes, toujours aussi efficaces, et une fois de plus on se trouve transporté dès les premières notes (« Seems Almost Impossible »). Micah se fend même d’un titre plus festif qu’à l’accoutumée, tout à fait réussi (« Diggin A Grave », notez que le titre, lui, reste dans le thème habituel).

Sortiront ensuite « Micah P. Hinson And The Red Empire Orchestra » en 2008, et « All Dressed Up And Smelling Of Strangers » en 2009 : le premier est dans la continuité de ce que Hinson fait de mieux (je vous recommande « When We Embraced », « You Will Find Me », ou encore « Dyin’ Alone »), tandis que le 2ème est un recueil de reprises, qui permet de découvrir ses diverses influences. On peut y trouver, en toute logique, du Bob Dylan (« The Times They Are A Changin’ »), le « My Way » de Franck Sinatra (qui, rappelons le, n’est qu’une adaptation de « Comme D’habitude » de Claude François), le fameux « While My Guitar Gently Weeps » de Georges Harrison, ou encore du Leonard Cohen (« Suzanne ») et du Elvis Presley (« Are You Lonesome Tonight ? »).


Tout est donc là pour planter le décor de l’univers de Micah P. Hinson, et c’est donc après nous avoir permis de faire sa connaissance au fil des albums qu’il nous pond en 2010 « Micah P. Hinson And The Pioneer Saboteurs », un opus tout frais mais sans surprise. En effet, si la forme varie aléatoirement au gré de l’avancement de sa jeune carrière, le fond reste inlassablement le même. Mais c’est justement ce qui constitue l’identité même de sa musique : la gravité et la noirceur de ses compositions lui correspondent parfaitement, et on ne peut que saluer sa volonté à garder celles-ci intactes. Remarquez que dans sa démarche de recherche d’authenticité, Hinson change de musiciens à chaque nouvel album (comme en témoignent les titres de ceux-ci), s’assurant ainsi un contrôle total de sa musique. On obtient donc des titres toujours aussi poignants, du mélancolique et instrumental « A Call To Arms » à l’angoissant « The Returning » en passant par le chamanique « The Striking Before The Storm ».


En bref, un artiste envoutant qui constitue un véritable anachronisme, tant on a perdu l’habitude des artistes authentiques capables d’électriser une salle en ouvrant simplement la bouche. A ne pas rater dès qu’il sera de passage en France !


Vincent M.

mercredi 2 février 2011

Miles Davis Sketches of Spain

Il est probable que si on veuille s’initier au jazz , on devrait pas commencer par écouter ça ou ça ou ça , faute de quoi on risque assez rapidement de s’en dégoûter tout à fait. Je suis moi-même un complet novice en la matière. Je connais peau de zob aux structures, et c’est sans doute mieux. Le jazz, je viens récemment de m’y mettre et je sais pas comment faire pour en parler correctement ; Je suis tout nu pour ainsi dire (comme généralement en fin de soirée). Mais là je suis tombé sur un truc, qui me parle , et qui devrait parler à n’importe quel personne muni d'oreilles (j’inclue même les fans de Jason Mraz et de James Blunt ; c’est dire si j’ai foi en l’être humain) et qui me permet d'inaugurer ainsi de belle manière notre première incursion dans le sujet : « Sketches of Spain » de Miles Davis. Déjà le titre : « Esquisses d’Espagne ». C’est plus poétique que « j’irai chier dans ton vomi » pour sûr.

Outre qu’il est considéré comme un des albums les plus accessibles du maitre, qu’en dire si ce n’est que c’est vraiment très très beau ? Le disque s’amorce directement avec le plat de résistance, une relecture hyper-dramatique du Concerto d’Aranjuez, toute de violence retenue et douloureuse jusqu’au malaise. Je suis en train de l’écouter à l’instant, putain merdre c’est quelque chose. S’ensuit l’indolent « will of the wisp » ; Si lent, si lourd, si triste comme dirait l’autre. Pour « the pan piper », la vérité mon frère on dirait quelque fantasmagorique procession macabre, la vérité ! Le reste n’est pas tout à fait à l’avenant mais demeure excellent.
On pense à Ravel (surtout sur « will of the wisp » et son motif tourbillonnant), inévitablement : faut dire que les thèmes classiques hispanisants un peu connu sont pas vraiment légions , le Boléro, et l’Asturias d’Albeniz, (pour les fans des Doors, c’est de là que Krieger a tiré l’intro de « Spanish Caravan ») et je crois bien que c’est tout. Donc oui vous penserez à Ravel, Morricone…ces climats là. Climats dont le pouvoir évocateur doit énormément aux arrangements de Gil Evans.

Mais on entend aussi et surtout ce qui fait l’originalité de Miles Davis, cette noirceur suffisamment malléable pour qu’à son contact se multiplient les possibilités d’écoute. Cette ambiguité insinuante de sa musique, certains y voient l’expression d’un « chagrin distillé » (Nick Kent), moi j’entends surtout sourdre une menace diffuse, ou un lourd regret , ou un mal métaphysique, en tout cas, quelque chose chose d’impossiblement accablant. Il ya toujours un moment où la musique dérive vers quelque chose d’autre, il y a toujours un truc qui fait dérailler le bordel (ainsi à 4: 45 pendant le concerto, la trompette, feutrée jusque là, vient trouer le calme relatif qui précédait et se met à agoniser).On l'aura compris, on n’écoute pas « Sketches of Pain » en s’enfilant son Ricoré matinal.

Maintenant si vous voulez bien m’excuser, je vais me reclure pendant 72 heures pour me passer cet album en boucle.

Vianney G.
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