lundi 31 janvier 2011

Cold War Kowards


COLD WAR KIDS : Mine Is Yours

Cold War Kids fait partie à mon sens des groupes actuels ayant l'une des plus fortes personnalités sonores. Quasiment irréprochables sur deux premiers albums aggressifs, purs, inspirés et originaux, oscillant au niveau des influences entre un blues revisité à la Jack White et le rock puissant des Kings of Leon à leurs glorieux débuts, si loin à présent. Après Robbers&Cowards (2006) et Loyalty to Loyalty, je dois dire que le troisième album des Californiens faisait donc selon moi tout naturellement partie des sorties rock attendues en 2011. C'est donc avec en enthousiasme non mesuré que je me suis lancé dans l'écoute de ce troisième album intitulé Mine is Yours. Et c'est là que le cauchemar commence... Dès les premières notes de la première chanson donnant son titre à l'album, ca pue le tube pour stade introduit avec des langoureux woooOOOoohhwOOOooohhh. Voilà qui n'annonce rien de bon... certes, souvent cela supportable, mais la voix de Nathan Willet a perdu sa force, sa rage, ses tripes, ses cou..... au profit d'une voix pop gentillette qui multiplie les envolées lyriques dans les aigus, dépourvue d'agressivité (comparez par exemple Bulldozer sur cet album à We Used To Vacation ou Hang Me Up To Dry sur leur premier album) et maquillée de textes niais (« I can feel your arms around me, hold me closer, hold me tightly », merci les mecs...). Il n'y a plus grand chose de nouveau, de recherché, on nous sert comme amuse bouche de cet album d'un groupe habituellement modèle d'inspiration un morceau facile, prévisible. On a presque envie d'introduire la chanson avec un « écoooute, c'est sur NRJ », comme on le ferait pour le dernier Maroon 5, comme on l'a fait pour Use Somebody des Kings of Leon, autrefois si brillants eux aussi...

Je ne crois pas si bien dire en utilisant cette comparaison puisqu'en lisant les premières critiques de cet album, j'apprends que les CWK ont engagé pour cet album le producteur de ces mêmes Kings of Leon, avec la même volonté que ces derniers depuis maintenant quelques années de devenir plus « grand public ». Une telle clarté dans les termes se passe de commentaires et me dissuaderait presque d'écouter le reste de l'album. Même intention, même résultat (j'aimerais pouvoir dire même punition). Chaque morceau est une nouvelle déception quand on se rappelle des morceaux bruts, authentiques et puissants comme l'énorme We Used To Vacation, le rageur Hang Me Up To Dry, le percutant Something Is Not Right With Me, Hair Down, Passing The Hat, et j'en passe. Tant de talent, de personnalité, d'âme sacrifiés sur l'autel de la notoriété et du « grand public ». À trop vouloir plaire, les Cold War Kids se sont sur cet album rendus coupable d'avoir atténué leur caractère, d'avoir lissé leur traits, donnant même l'impression d'avoir refusé de chercher, d'avoir activé le pilotage automatique. Ils ont avec cet album voulu pouvoir remplir des stades, personnellement j'aurais préféré qu'ils gardent et enrichissent leur style si particulier, quitte à en rester aux bonnes vieilles salles bien glauques mais remplies d'un public averti et connaisseur, plutôt que de donner dans la bonne vieille formule guitares+voix bourrées d'échos/refrains pop pisseux entêtants, sympathiques certes mais sans intérêt réel, sans génie... Là encore l'analogie avec le dernier KoL est frappante.

Essayons tout de même de dénicher dans cette boue informe un ou deux morceaux de bravoure qui sauveraient le tout. Il faut admettre que la sombre daube d'introduction ne met pas dans de bonnes disposition pour écouter objectivement le reste... Mon indulgence se dirigera particulièrement vers le morceau (j'ai mis un certain temps à remplir le blanc qu'était cette partie de l'article) Cold Toes On The Cold Floor qui présente les reliques, les restes encore fumants du talent de ces Californiens. On pourrait également citer Sensitive Kid dans le moins mauvais... en fait on se rend compte que bien souvent l'intro est accrocheuse et plutôt réussie (Sauf sur Mine Is Yours où pour le coup la couleur est vraiment annoncée dès le début), et ce n'est qu'ensuite qu'on a presque le droit à du ColdPlay bien propre...

Que penser alors des Californiens de Cold War Kids après cet album? Si on en reste là, il s'agit d'un groupe sans grand intérêt musical autre que celui de vous mettre des refrains tout faits dans la tête, remplir les stades et faire allumer les briquets (en témoignent l'insupportable Skip The Charades)... personnellement, je préfère fuir la douleur, me dire qu'après tout malgré son lot d'étrons tout n'est pas si mauvais dans ce disque et me rappeler surtout, par souci d'hygiène intellectuelle, de ce qu'ils on pu produire de grand auparavant. Je ne peux que vous inviter à en faire de même...


Lucas M.

dimanche 23 janvier 2011

Les Pixies, lutins rockeurs de Boston

Rendus célèbres par la chanson « Where Is My Mind? » dans la BO de Fight Club (la fameuse scène finale où tout explose alors que Edward Norton et Helena Bonham Carter sont côte à côte), c’est malheureusement souvent tout ce que le néophyte connait de ce groupe génial. Rendons donc à César ce qui lui appartient et replaçons les choses dans leur contexte.

Les Pixies peuvent se targuer de faire office de figure de proue du rock alternatif. Leur formation en 1986, dans des années souvent considérées comme stériles, avec un rock qui se cherche après la fin du punk, semble relever d’une erreur temporelle. Certes, la décennie contient son lot d’artistes qui en valent le détour (INXS, Sonic Youth, REM, Violent Femmes, Gang of Four, Mudhoney, The Fall, Orange Juice…). Mais combien peuvent prétendre à une influence comparable à celle des Pixies ?

Cette fascination n’a peut-être d’égale que l’invraisemblance de leur rencontre, enchevêtrement improbable des fils du destin. Charles Thompson IV, alias Black Francis (chanteur principal) rencontre d’abord Joey Santiago (futur guitariste) avec qui il partage une chambre à l’université. Une amitié se développe entre ces deux passionnés de musique, qui décident un peu plus tard de former un groupe de rock. Ils passent alors une annonce dans un journal pour trouver une bassiste, et Kim Deal se présente à leur porte. La demoiselle en question ne sait pas jouer de la basse : tant pis, on ne s’arrêtera pas à ce petit détail. Peut-être parce que sa fougue est visible, et son caractère bien trempé. Ou alors parce qu’elle est la seule à avoir donné suite à leur annonce (il faut dire aussi qu’ « une bassiste qui aimait à la fois le trio de folk Peter, Paul and Mary et le groupe Hüsker Dü », ça ne court pas forcément les rues). Ne manque alors plus qu’un batteur et un nom. Pour le premier, coup de chance, Kim se souvient avoir croisé quelqu’un à un mariage : ce sera David Lovering. Pour le second, la consultation d’un dictionnaire fera l’affaire.

Après quelques répétitions dans le garage de David, la nouvelle formation sort un bon premier EP, Come On Pilgrim, en 1987. « Caribou » érige Francis Black comme maître dans sa discipline, capable aussi bien d’une voix apaisée de fausset que d’un timbre rageur et mordant. « Nimrod’s Son » illustre son obsession jamais démentie pour les thèmes bibliques, tandis que « The Holiday Song » aborde l’onanisme.

En 1988, une bombe rock détonne dans un paysage désolé. C’est Surfer Rosa, le premier album des Pixies, qui leur conférera une reconnaissance éternelle. Non content de bénéficier du rare talent de son chanteur, il doit aussi une grande partie de son succès à sa synergie avec Kim, pas tant pour son jeu de basse (par ailleurs en nette amélioration), que pour sa voix utilisée en complément de Black, établissant une atmosphère électrisante, comme sur « River Euphrates ». C’est aussi elle qui écrit et chante « Gigantic », morceau plébiscité par les foules, une sorte d’alter-ego à « Where Is My Mind? », écrite et chantée par Black. Evoquons encore « Something Against You », pleine d’une rage autant instrumentale que vocale dans un style assez hardcore, « Oh My Golly! », qui illustre la fougue indomptable du batteur, ou encore le joyeux « Vamos » chanté en espagnol.
Ce qui ressort surtout de Surfer Rosa, c’est l’alternance entre des couplets calmes et des refrains débridés, style peu ou pas exploité à l’époque dont on leur reconnait la paternité, et qui va devenir la marque de fabrique du groupe.

Mais la bande de lutins ne s’arrête pas là, et sort l’année suivante Doolittle, qui, aux côtés de Surfer Rosa, se dispute généralement la première place dans le cœur des fans des Pixies. Alors qu’avec le premier, on était dans un style assez sale et brut, le second est beaucoup plus propre, conséquence d’un changement de producteur, et d’une hausse de budget. Bien qu’adepte du lo-fi, ma préférence va quand même à Doolittle, qui regorge de merveilles insoupçonnées.
« Debaser » introduit l’album en opposant la hargne de Black à la douceur des contre-chants de Kim. « Wave of Mutilation » est pleine d’un charme insaisissable, et véhicule une émotion presque palpable. Ce thème de la souffrance, souvent exploitée par Black, se retrouve aussi dans « I Bleed ». Pépite pop très dansante au refrain prenant, « Here Comes Your Man » en est aux antipodes. « Dead » joue sur de brusques changement de rythme, et « Monkey Gone To Heaven », autre morceau très connu des Pixies, parle de la destruction du monde par l’homme. Encore plus que dans Surfer Rosa, tout est bien fait et bien construit dans cet album, et des morceaux comme « There Goes My Gun » l’attestent. Il se conclut avec « Silver », émouvant duo entre Black et Kim, et « Gouge Away », bel exemple du génie rebelle du groupe.

Tout semble aller pour le mieux, mais des tensions apparaissent entre Francis et Kim. Le premier est assez méthodique et sérieux, tandis que la seconde est en proie à des problèmes de drogue et d’alcool. Pour certains concerts, elle arrive en retard, pour d’autres, elle ne tient plus debout. Les Pixies annoncent logiquement une pause, au cours de laquelle chacun va vaquer à ses occupations. Kim renouera alors avec son groupe d’enfance, les Breeders (qui comprend notamment une membre des Throwing Muses), pour sortir un premier album, Pod.

Après ce break, le groupe se retrouve pour un nouvel opus en 1990, Bossanova. Conséquence des frasques de Kim, il mettra cette fois-ci bien plus en avant la personne de Black, auteur et chanteur principal de toutes les chansons. Si sa présence en contrepoint de celle de Kim se fait parfois regretter, cela ne suffit pas à nuire à la qualité de l’ensemble, qui, malgré toutes ces tensions, reste d’excellente facture.
Evolution principale : les chansons bestiales qui caractérisaient Surfer Rosa et Doolittle sont ici quasi absentes, sauf pour « Rock Music » et ses paroles incompréhensibles (« Your Mouth's A Mile Away »). Mais le groupe en profite pour concocter des mélodies et des riffs géniaux, comme sur « Ana » et sa ligne de guitare ensorcelante. La basse fait un travail formidable sur « Is She Weird », et la batterie donne tout son panache à « Down to the Well ». « The Happening » est soufflante : la tension aérienne semble ne jamais vouloir s’arrêter, mais elle est soudain rompue lorsque Black change de ton (mais comment fait-il ?) pour prononcer « … beneath the sky ». Evoquons encore « Hang Wire », alternance réussie entre rage et accalmie dans le chant de Black et « Havalina », qui conclut Bossanova de façon très mélodieuse.

Avec la tournée qui s’ensuit, les tensions entre Kim et Black subsistent. On parle même d’une séparation prochaine du groupe. C’était sans compter la production, qui, pour le meilleur ou pour le pire, parvint à les convaincre de travailler une dernière fois ensemble. On aurait pu craindre qu’il s’agisse là du fameux album de trop, qui confirme la mort de l’inspiration d’un groupe. Et pourtant, sous leur chapeaux pointus, nos lutins dissimulaient encore quelques surprises. Des rumeurs soutenaient que le style musical des Pixies avait évolué vers du heavy metal. Si elles furent vite infirmées à la sortie de Trompe Le Monde en 1991, certains titres n’en demeurent pas moins marqués par un son violent. La rage présente dans Surfer Rosa refait surface, comme dans « Planet of Sound ». Le titre éponyme de l’album explore un peu toutes les directions, et mise sur des effets d’éloignement des guitares et de réverb pour opérer une séduction efficace. « Alec Eiffel » est un hommage réussi à la fameuse tour parisienne, qui a toujours fasciné Black, tandis que « Head On » est une reprise dynamique de The Jesus and Mary Chain. « Letter to Memphis » est une des rares chansons d’amour (avec « La La Love You ») composées par les Pixies. Le festival continue avec « Bird Dream of the Olympus Mons », qui se distingue par des sonorités inquiétantes presque imperceptibles en arrière plan. « Motorway to Roswell » constitue une belle chanson pop et « The Navajo Know » se nappe d’une atmosphère riche et décomplexée, qui sonne tristement la fin de l’album…

L’influence des Pixies trouvera un écho chez de nombreux musiciens, au premier rang desquels on trouve Kurt Cobain, grand admirateur de Surfer Rosa et qui reconnait volontiers que son « Smells Like Teen Spirit » n’aurait jamais vu le jour sans eux. A ce propos David Bowie dira d’ailleurs : « J’ai été très déçu le jour où j’ai appris que les Pixies se séparaient. Quel gâchis… Je les imaginais déjà conquerir le monde. Quand j’ai entendu Nevermind de Nirvana pour la première fois, j’ai été très en colère. Les dynamiques des morceaux, c’était une razzia totale des Pixies. J’aurais tellement aimé voir les Pixies et Sonic Youth au sommet. » S’il faut encore donner un nom, citons par exemple Damon Albarn, qui reconnaît qu’il voulait sonner comme les Pixies aux débuts de Blur.

Avec la séparation des Pixies, c’est donc la fin d’une légende. Enfin, presque. D’une part, parce que les membres vont se reformer pour des concerts de temps en temps. D’autre part parce qu’ils continuent à exprimer leur talent dans des projets solos.
Black Francis entame une carrière réussie sous le pseudonyme de Frank Black, écoutez par exemple « You Ain’t Me » ou « Headache ». Kim Deal continuera quant à elle l’aventure qu’elle avait entamée avec les Breeders, et sortira notamment en 1993 l’album à succès Last Splash, qui contient les morceaux « Cannonball » et « Divine Hammer ». A ce jour, elle y officie encore.

La perspective d’un nouvel album des Pixies n’est aujourd’hui pas à l’ordre du jour. Pourtant, Kim et Charles n’ont jamais perdu l’envie de faire de la musique. Les Pixies ont fait beaucoup de belles choses, et elles ne l’ont jamais été autant que quand ces deux-là parvenaient à s’entendre. On aurait aimé voir cette synergie œuvrer à nouveau, pour une dernière merveille...


Franck A.

jeudi 20 janvier 2011

Sharon Jones, "soul sister number one"

Elle, je sais pas pourquoi j’en ai pas parlé avant, et encore moins pourquoi je l’ait étourdiment oublié au moment d’établir mon best of des années 2000. Je suis vraiment une méchante fille. C’était d’autant plus regrettable que je l’avais vu en live au Nancy Jazz Pulsations il y a trois ou quatre ans et que je m’étais pris une claque monumentale. Réparons l’outrage.

Le titre de son dernier album, « i learned the hard way », sonne comme un aveu ; Sharon Jones en a chié. Durant toutes ces années de purgatoire à attendre son heure, à s’entendre dire par des directeurs de label qu’elle était « trop petite, trop grosse, trop noire et trop vieille », elle s’est essayé aux plus improbables boulots alimentaires: gardienne de prison à Rikers Island, convoyeuse de fonds pour la Wells Fargo (" Je portais un 38. J'étais une bonne tireuse"). En 1996, Gabriel Roth, jeune producteur de soul new-yorkais, aujourd’hui patron du label Daptone Records (Retenez bien ce nom: ça va devenir une formule magique dans les années à venir), cherche trois choristes pour une séance d’enregistrement avec Lee Fields (vétéran soul lui aussi chez Daptone Records). Sharon Jones décide alors de nous faire une Keith Moon. Elle lui annonce, bravache, qu'il peut en virer deux: "Je peux faire les trois voix moi-même. Tu feras des économies et je gagnerai plus ! ». Roth est sous le charme et décide de monter un projet autour d’elle, Sharon Jones and the Dap Kings, où il tiendra la basse. Tout ceci confirme une chose évidente; si on veut chanter la souffrance, il faut avoir souffert .

Sharon Jones et les Dap Kings se font la main sur un premier album brut (« dap dippin with the Dap Kings ») mais qui ne s’éloigne qu’insuffisamment des canons de l’orthodoxie funk pour pouvoir être vraiment totalement aimable. Les choses s’améliorent nettement avec le deuxième album, traversés par un funk encore très brownien par moments (« your thing is a drag », « my man is a mean man »,), mais aussi de merveilles plus surprenantes, notamment une version pas croyable du «this land is your land» de Woody Guthrie (attestant une fois de plus des passerelles entre musique noire, folk et country), un duo hilarant avec Lee Fields, son désormais collègue de Daptone records («stranded in your love») et en règle générale, du groove en veux-tu-en voilà ( « how long do I have to wait for you », «all over again », «how do I let a good man down »). Mais c’est véritablement avec «100 days, 100 nights» qu’ils explosent. Il faut dire qu’avec des bombes (toutes composées ou quasi par Roth) comme «keep on looking », « tell me », « answer me », « 100 days, 100 nights», qu’ils aient persisté dans la confidentialité êut été un putain de joli scandale. Ils en écouleront 150 000 exemplaires, ce qui est un score excellent pour un label indé (pour donner un ordre d’idées, le premier Mgmt s’est vendu à 2 millions d’exemplaires, ce qui était risible il y a encore 10 ans).

Avec « i learned the hard way » Ils poursuivent leur petit bonhomme de chemin, avec une maitrise totale, qu’ils piochent dans le son girls group (« give it back »), dans la soul ultra orchestrée (voire même un peu pompière sur «the game gets old ») ou qu’ils donnent dans un des motifs favoris du genre, la cheatin soul, (« i learned the hard way »), à chaque fois, c’est idéal. Jamais rien de superfétatoire. C’est concis, tendu, sophistiqué, et ça botte le cul ( «she ain’t a child no more »). Quand à Jones, elle est souveraine. On parle volontiers d’elle comme d’une « female james brown ». Certains l’appellent aussi « soul sister number one ». Il faut dire qu’étant né comme le gros James à Augusta en Géorgie, la comparaison s’impose d’elle même. Mais à l’heure où certains essaient de nous faire passer Colin Bailey Rae pour une nouvelle Minnie Ripperton, ces compliments pourraient paraitre exagérément flatteuses. Et bien en fait absolument pas.

Une james brown au féminin donc. Ce n’est pas faux. On retrouve chez elle ces manières autoritaires de demander un break, ces « wait a minute » impatients , cette incandescence spectaculaire sur scène commune au Godfather of Soul. Elle possède aussi sa férocité. On retrouve également chez elle la gouaille drolatique d’une Millie Jackson (« money »). Les dap kings, je n’ai pas grand chose à en dire, sinon qu’il s’agit probablement du meilleur orchestre soul-funk depuis les grandes heures des JB’s et des Meters. Ils ont le son. C’est à eux que la Winehouse doit son « back to black » (interrogé en 2007 sur cette dernière, Jones sortait les crocs: « they jumped on our wagon !». Rappelons qu’ Amy Winehouse, entre deux cures de désintox voués à l’échec a quand même écrit 2,3 immenses chansons. Si c’était une simple faussaire, ça se saurait)

Soyons clairs : Il n’y a aucune servilité chez eux, juste un goût amoureux pour la musique noire de la grande époque. Et qu’on ne vienne pas me parler de « vintage », rien que le mot m’évoque ces meubles anciens Ikea qu’achète Dieu sait qui. Confondre l’authenticité avec le pittoresque facile, c’est ne voir dans le genre que son exotisme, c'est-à-dire être un touriste . Il ne s’agit pas de savoir si c’est « old school », la question n’est pas là. Roth le dit très bien : “We don’t have a retro approach. We are not referencing old music. We don’t fetish-ize vintage equipment or afro-wigs or bell-bottoms. Our music sounds authentic because it is authentic. It's real people making real music. From the depths of our souls. From our heart of hearts. When it’s real, you don’t have to worry about any of that "retro revival genre" kind of shit.” Autant pour le vintage. D’ailleurs même lorqu’on loue « l’authenticité » d’un soulman, ça me parait suspect : C’est quoi un soulman « authentique » ? Un noir d’Atlanta ou de La Nouvelle-Orléans? C’est pas l’extraction qui compte, c’est le degré de foi, de hargne avec lequel on embrasse le truc. Sharon jones ne bouscule pas la tradition ; Elle la bat à son propre jeu. Elle l’écrase avec son gros cul noir.

La chose la plus vraie sur Sharon Jones a été dite par le magazine Refresh "Dans la lignée des grandes diva soul, l'immense Sharon Jones est de celle qui laisse à penser que des légendes se créent encore". C’est exactement ça ; Elle n’est pas l’émule de qui que ce soit. Elle se pose elle-même comme une nouvelle référence , du niveau des Mavis Staples, des Aretha Frankin, des Etta James, de toutes ces brillantes devancières. Et c’est aujourd’hui que ça se passe ; on ne se rend pas compte du miracle qu’est cette fille, on ne se rend pas compte qu’on est tous des sacrés veinards.

Sharon Jones : Une des meilleures raisons de vivre en 2010 qui se puisse trouver. Avec les films de James Gray, Philip Roth, Richard Hawley, Jiro Taniguchi, Léa Seydoux et Mahmoud Ahmadinejad.

Vianney G.

mercredi 12 janvier 2011

the Smiths


Bien que souvent méconnu ou connu uniquement « de nom » (autant dire pas du tout), The Smiths constitue un groupe extrêmement intéressant car il se situe, musicalement et du point de vue strictement chronologique à la charnière entre deux périodes, deux branches fondamentales du rock, à savoir le punk des années 70 (celui des Clash entre autres) et la britpop des années 90 (Oasis, Supergrass...).

Fondé en 1982 par la paire Steven Patrick Morrissey / Johnny Marr et séparé en 1987, The Smiths sera tout de même parvenu a sortir quatre albums complets ayant tous rencontré un succès incontestable (le premier album simplement intitulé The Smiths se classera à la deuxième position des charts en Angleterre avec 300000 exemplaires vendus) et à devenir en l'espace de cinq petites années un groupe référence pour de nombreux artistes britanniques qui allaient éclore dans les deux décennies suivantes.

Les Smiths ont toujours tenu à conserver une forme d'authenticité et à se détacher radicalement des courants et styles musicaux d'un goût douteux qui voyaient le jour et devenaient vite populaire dans les années 80 (dance, disco), en tenant les synthétiseurs à l'écart de leur musique et en choisissant un nom simple, alors même que la plupart des groupes de la même époque adoptaient des appellations aussi ridicules qu'interminables, pompeuses et lourdingues (Orchestral Manoeuvres In The Dark, Electric Light Orchestra...). C'est d'ailleurs paradoxalement pour cette raison (cette volonté de rester fidèles à leurs racines) que le groupe se séparera en 1987, le duo Morrissey&Marr se sentant comme enfermé dans le style musical des Smiths, trop imperméable aux influences extérieures. Il n'est pas faux qu'après quatre albums réussis dans un son relativement identique, on a un peu fait le tour de la question, et un cinquième aurait pu décevoir paraître superflu, voire répétitif. C'est donc assez habilement que les Smiths se sont séparés avant le déclin et la bouse funeste.

Le chant de Morrissey, par ailleurs remarquable car autodidacte, se caractérise par une voix élégante (certainement plus que la coiffure de l'intéressé) et plaintive, presque mélancolique, d'une monotonie volontaire et mesurée, et personnifie à lui seul le son du groupe, indéniablement rock mais sans l'agressivité rageuse caractéristique de la période punk qui les a précédé puis accompagné. L'instrumental présente étonnamment quant à lui des mélodies très seventies, voire fin des sixties (avec un jeu et un son de guitare très Byrds du à l'utilisation de guitares Rickenbacker), mais jouées avec des arrangements nouveaux, plus caractéristiques des années 80, voire annonciateurs des années 90, variant les apports et mêlant ainsi les influences de trois voire quatre décennies.

Le premier single du groupe dans l'ordre chronologique, avant le premier album éponyme, fut Hand In Glove, un titre percutant, convaincant et représentatif de l'oeuvre globale du groupe, présentant un équilibre harmonieux entre basse marquée sans excès (plus n'aurait pas convenu à un tel son, moins aurait semblé fade), guitares entêtantes et voix sombre et beat rudimentaire et efficace, le tout agrémenté d'un léger écho et d'une subtile réverbération. Des quatres albums, The Smiths, Meat is Murder, The Queen is Dead, et Strangeways, Here We Come, aucun n'est à distinguer particulièrement. Sur chacun d'eux le duo fondateur et créatif du groupe Morrissey/Marr offre une performance égale et régulière, exploitant les mêmes ingrédients au maximum et non sans un certain brio. Si, le couteau sous la gorge et au pied du mur, je devais néanmoins mettre en avant certains disques plutôt que d'autres, ma préférence, bien que ténue, irait sans doute pour les premier et derniers albums du groupe, The Smiths (avec l'excellent Hand in Glove cité plus haut, This Charming Man et What Difference Does It Makes) et Strangeways, Here We Come (écouter en particulier les titres Girlfriend in a Coma, et Stop me if You Think That You've Heard This One Before) car ils permettent de mesurer la constance de la qualité du groupe de leurs début jusqu'à leur séparation ainsi que sa fidélité envers son style originel.


Si on écoute plus en détail les quatre albums cités ci-dessus, on ne peut être réellement étonné en apprenant que, bien que cela n'ayant rien d'évident à la première écoute, les Smiths on fortement inspiré et ouvert la voie à des groupes comme Blur, Oasis, Pulp ou encore Supergrass (qui participera d'ailleurs à l'enregistrement de l'album The Smiths Is Dead, hommage rendu aux Smiths et formé de reprises de ces derniers par plusieurs groupes des années 90), et même un peu plus loin aux débuts de l'Indie Rock, puisqu'un certain Pete Doherty considère les Smiths et plus particulièrement Morrissey comme une de ses références musicales majeures, que cela soit au sein des Libertines ou des Babyshambles.


Lucas


Yeasayer : All Hour Cymbals / Odd Blood


Groupe difficilement classable sans l'utilisation risquée d'expressions aussi obscures qu'interminables parmi lesquelles, ma préférée, New Eastern-psych-rock-snap-folk-gospel (???), comprendre folk-rock expérimental pour faire simple (mais toujours peu évocateur), cette formation originaire de Brooklyn fait depuis 2007 son bout de chemin, apparaissant sur le net par
le biais des vidéos « Take Away Show » et à l'occasion de festivals au Outre atlantique et en Angleterre aux côtés de MGMT notamment. L'anecdote n'est pas sans utilité ici, puisque le cheminement musical de Yeasayer à travers ses deux albums (le même nombre que MGMT) semble diamétralement opposé à celui du duo New Yorkais. En effet, après le succès planétaire du très pop Oracular Spectacular (qui mérite, ce me semble, d'être écouté un peu plus loin que les surutilisés et désormais tristement banals Kids et Time to Pretend, notamment avec Weekend Wars et The Youth), MGMT livrait un deuxième album (Congratulations) beaucoup plus expérimental, plus intéressant je trouve d'ailleurs (écouter Flash Delirium, It's Working, I Found A Whistle) et ayant donc nécessairement moins de succès auprès du plébéien de base. Dans le même temps, Yeasayer passait d'un premier album (All Hour Cymbals) sorti en 2007 et que j'affublerais, en plus des quelques sobriquets cités plus haut, du qualificatif génial, fondamentalement nouveau, parfois étonnant même, à un deuxième (Old Blood, 2010) aux sonorités beaucoup plus electropop faisant un usage récurrent d'effets sonores trahissant l'influence du succès du duo New Yorkais sur les « petits Yeasayer ». Comment interpréter cet étrange changement de direction ? Prise de conscience d'un talent et volonté de se faire connaître au plus grand nombre avec un album plus accessible? Opportunisme occasionné par l'actuelle vague életro-rock?

Rassurons nous cependant, on ne passe pas du chef d'oeuvre à l'étron. En effet, si les mélodies sont plus pop, l'accompagnement instrumental plus électronique et moins épuré d'effets, on retrouve bien la patte et la personnalité sonore forte du groupe sur chaque morceau de Old Blood. On a toujours le droit à une pop déroutante, baroque sans être rococo (aux frontières du kitsch, mais du bon côté), aérienne voire stratosphérique, notamment sur ONE, autre réussite du groupe dans cet album. Gros coup de coeur également pour les chansons Madder red pour ses vocalises envoûtantes et son ambiance très (c'est du moins mon ressenti) « danse apache autour du feu », et Ambling Alp pour son énergie débordante. Certes, c'est très pop, avec des sons parfois, liquides, l'éclatement de bulles sonores, surtout sur Ambling Alp (ils ont du écouter Time to Pretend et plus particulièrement son intro un certain nombre de fois), mais là dessus rien à dire, ca reste frais, neuf, riche, ça fait du bien et cela ne ressemble pas à l'album torché en une semaine, celui qui s'écoute distraitement sur un ordi pendant la vaisselle pour passer le temps. On sent une vraie recherche derrière, et le tout reste cohérent et très agréable à l'écoute.


En fin de compte, bien que d'abord nécessairement surpris par la transition pas évidente et le virage à angle droit pris entre les deux albums, on finit par les trouver complémentaires de la part d'un groupe qui ne semble pas vouloir s'enfermer dans un style mais explorer, chercher la nouveauté, le progrès (l'avenir nous le dira) tout au long de son cheminement. On est un peu forcé le préférer All Hour Cymbals, plus simple, plus épuré, moins électronique, et qui marque surtout la personnalité de Yeasayer avec plus de force, qui la noie moins dans les effets électroniques, mais tout n'est pas à jeter dans Old Blood, bien au contraire. Pour comprendre ce changement musical, écouter notamment le très aérien 2080, leur meilleure chanson à mon avis : les arpèges de guitare, les choeurs, la basse, la batterie, tout semble voler somptueusement en tous sens lorsque débute le refrain, après un premier couplet retenant et maîtrisant plus son énergie. J'en profite pour évoquer un morceau de leurs débuts qui ne figure sur aucun de leurs albums mais qui vaut également le détour, Tightrope, avec un rythme de batterie très tribal (n'y voir aucune des connotations de mauvais goût que ce mot revêtit aujourd'hui dans l'imaginaire collectif, on aurait pu utiliser le mot chamanique, peut être un peu fort pour la circonstance...), des harmonies et doubles voix très soignées.


C'en est donc terminé de cet article qui finalement visait plus à faire découvrir ce groupe au nom résolument imprononçable qu'à commenter le dernier album de Yeasayer, que je recommande donc fortement et qui figure tout de même à la 15ème place du classement NME des meilleurs albums de l'année et au 22ème rang pour le classement des Inrockuptibles, ce qui offre un début de garantie quant à sa qualité et celle de ses compositeurs.

Lucas M.

lundi 10 janvier 2011

Bienvenue au Gun Club


Dans un article de 1982, Lester Bangs crucifiait lapidairement le Gun Club : « A dull attempt to punk robert johnson blues ». Ben là, une fois n’est pas coutume, il avait tout faux. Parce que s’il y avait un tant soit peu de logique, le Gun Club serait aussi reconnu que, au hasard, les Stooges ou les Clash.

Il ya toujours eu des rénovateurs du blues : tout ce qu’on a appelé le british blues boom à partir de 63, Captain beefheart, Canned heat, les frères Allman, ensuite dans les années 80 le Gun club, Stevie Ray Vaughan, Nick Cave, plus tard les Spencer Blues, et finalement les White Stripes. Mais il existe différentes manières de le concevoir; musique suggestive au départ, spartiate, toute de tension, le blues en est venu par l’intermédiaire des Clapton, Allman Brothers et d’autres à n’être qu’une excuse à des démonstrations de bravoure guitaristique ; Cream, par exemple, groupe génial lorsqu’il s’en éloignait (« White room », «Tales of brave Ulysses») était le plus souvent calamiteux lorsqu’il donnait dans le blues « authentique » (ainsi cette version châtrée du "Spoonful" du grand Howlin Wolf dans "Fresh cream"). Rien de tout ça chez le Gun club.

Lorsqu’il sort en 1981, "Fire of love" a du arriver comme un miracle. Car à l’époque, c’est vraiment pas la joie; Dylan fait son rock chrétien, Neil Young fait de la techno (…), la musique noire est à peu près morte (à l’exception notable de Prince et de Chic) et on voit arriver ces sons de batterie bouffie (batterie, c’est beaucoup dire en fait puisqu’on n’entend plus que la caisse claire), ces basses débiles et ces claviers dégueulasses partout. Ah et puis des solos de saxo qui aujourd’hui font rire. De toutes ces icônes des années précédentes, Il n’y a guère que le bon Bruce et Tom Waits qui n’aient pas l’air à côté de leurs pompes. On imagine le soulagement de tous les gens éprouvés par cette débandade générale lorsque débarque le Gun Club, qui tout bien considéré, est LE grand groupe de l’époque (Qui d’autre sinon ?).

Au moment où les Cramps, à qui Jeffrey Lee Pierce dédicacera « For the love of ivy », dégainent une version dégénérée du rockabilly (même si j’ai toujours trouvé les Cramps au mieux amusants et ça s’arrêtait là), le Gun Club revient au blues ancestral, qu’il mêle à l’urgence violente du punk, inventant quelque chose de totalement nouveau.
Les deux premiers albums ( « Fire of love », et « Miami »), sont vraiment infernaux, plein de blues désaxé, sexy, furieux, excessif, le tout dominé par la voix de Pierce, incroyable, pas belle pour un sou, criarde, vitupérante, géniale. On dirait un Tom Verlaine méchant. Même les pochettes sont mythiques. La production, qui ruinait les trois quarts des albums de l’époque, est ici impeccable. Le son est ludique, les slides de guitare ultra chiches, la section rythmique, rectiligne et tendue. Et les titres d’anthologie s’enchainent les uns aux autres, que ce soit les reprises judicieuses de Tommy Johnson, de Leadbelly ("John hardy"), de Robert Johnson (« Preachin the blues »), de Creedence dont le rock swampy a manifestement traumatisé Pierce, ou les propres compos de ce dernier, naviguant entre l’obscénité réjouissante de « Jack on fire » et les incantations envapées de « She’s like heroin to me » ou de « Watermelon man », n’oubliant pas au passage de récurer la mythologie blues (« Ghost on the highway », « Devil in the woods »).

Et lorsqu’il se livre à quelques morrisonneries (c’est de moi. C’est mauvais mais c’est de moi), c’est grandiose (« Fire of love », la gigantesque « Mother of earth » et ces hululements de guitare slide, « Brother and sister »). D’ailleurs Jeffrey Lee Pierce partageait également avec Morisson un goût pour les « comportements erratiques », euphémisme un peu bigot, voulant dire qu’il arrivait ivre sur scène. Et que comme Morisson dans ses meilleurs jours (c'est-à-dire lorsqu’il était très saoul et très drôle), il se laissait aller à d’interminables soliloques d’ivrogne, dans lesquels le plus souvent il injuriait le public. J’aurais aimé voir ça.

Arrive ensuite « The Las Vegas story» dont certains préfèrent la production plus étoffée et plus propre que sur les deux précédents. Au final, ça n’importe pas tellement, les compositions sont toujours aussi renversantes (le stoogien "stranger in our town", l’acoustique "secret fires", "my dreams", "give up the sun"…) et les reprises (une version hanté du « My man’s gone now » de Gershwin, « The masterplan » du jazzman free Pharoah Sanders) traduisent toujours une connaissance de la musique assez monumentale. A partir de là, la vie de Pierce devient un grand n’importe quoi, entre changements de personnel, hépatites, et addictions diverses, ce qui gangrènera sa …« carrière ».

Je n’ai pas encore écouté les albums suivants mais ce sont parait-il les trois premiers qu’il faut avoir (Je viens de choper "Miami" et "Las vegas story" ; ça faisait longtemps que j’avais pas été aussi content d’acheter un cd). J’écouterais les autres et j’en parlerai si ça vaut le coup. Plus tard, les Jon Spencer Blues (dont plusieurs albums ont été réédités il y a peu) et les Whites Stripes n’oublieront pas de rendre hommage à ces prédécesseurs auxquels ils doivent tant. Même si Jack White parait bien sain en regard du fou qu’était Jeffrey Lee Pierce.


Vianney G.

mardi 4 janvier 2011

The Magnetic Fields

De Stephen Merritt, le leader des Magnetic Fields (rien à voir avec Jean Michel Jarre on vous rassure), on peut légitimement se demander: A t-il 8 ans ? Est il autiste ? Friand de concepts douteux comme autant de blagues de potaches ("Cap ou pas cap de faire un album qui commence par la lettre "I" ?" "Cap !*"), Merritt est assurément une anomalie dans le paysage indé yankee.

Les albums des Magnetic Fields sont rarement grandioses, remplis de choses à jeter mais c'est presque un détail eu égard au fait que Merritt a écrit certaines très très grandes chansons ; le "69 love songs" aurait même pu être un excellent album s'il avait été amputé de la bagatelle d'une petite cinquantaine de chansons (là je mettrai bien un smiley mais j'ai ma dignité); sorti en 99, on y trouvait déjà de bien belles choses: "epitaph of my heart", "the book of love" (Evitez comme la peste la reprise lénifiante qu'en a donné Peter Gabriel), "i don't want get over you", " all my little words", "the cactus where your heart should be", ou ce "blue you" crépusculaire, qui sonne comme la bande son d'un cauchemar d'enfant. Ou comme du Danny Helfman chanté par Nick Cave. Ce qui revient au même.

Leur dernier album sorti début 2010, "Realism", est le pendant de son prédécesseur "Distorsion", hommage aux Jesus et Mary Chain, donc plein de larsen vaporeux, mais qui sonnait surtout comme du Beach Boys électrocuté (formidable "california girls"). Au final, c'était un peu raté (comme toujours en fait avec eux). "Realism" se voulait conçu exactement à l'inverse, même si au vrai, rien ne changeait, à ceci près qu'au larsen s'étaient substitué plein d'instruments exotiques (mandoline, glockenspiel, ukulélé...). Toujours une grande sécheresse, malgré la profusion d'instruments, toujours pas mal de choses dont on se demande ce qu'elle foutent là, toujours le baryton de Merritt, laconique au possible et pourtant parfois incroyablement émouvant. Mais surtout, s'y trouve disons une de mes 20 chansons préférées des années 2000, "you must be out of your mind", un enchantement de 3 minutes, digne du "chelsea girl" de Nico (pas n'importe quoi donc).

On attend encore le grand oeuvre (qui ne viendra peut être jamais) mais peu importe, un gars capable de parler de Brill Building dans ses chansons ou d'écrire des trucs aussi inspirés que "you can't go 'round just saying stuff/because it's pretty/and i no longer drink enough to think you're witty" ou "i could listen to all my friends and go out again and pretend it's enough or i could make a career of being blue, i could dress in black and read Camus, smoke clove cigarettes and drink vermouth, like i was 17" mérite amplement qu'on lui tire notre chapeau.

Vianney G.
* Il l'a fait, l'album s'appelle "I"...