mercredi 12 janvier 2011

Yeasayer : All Hour Cymbals / Odd Blood


Groupe difficilement classable sans l'utilisation risquée d'expressions aussi obscures qu'interminables parmi lesquelles, ma préférée, New Eastern-psych-rock-snap-folk-gospel (???), comprendre folk-rock expérimental pour faire simple (mais toujours peu évocateur), cette formation originaire de Brooklyn fait depuis 2007 son bout de chemin, apparaissant sur le net par
le biais des vidéos « Take Away Show » et à l'occasion de festivals au Outre atlantique et en Angleterre aux côtés de MGMT notamment. L'anecdote n'est pas sans utilité ici, puisque le cheminement musical de Yeasayer à travers ses deux albums (le même nombre que MGMT) semble diamétralement opposé à celui du duo New Yorkais. En effet, après le succès planétaire du très pop Oracular Spectacular (qui mérite, ce me semble, d'être écouté un peu plus loin que les surutilisés et désormais tristement banals Kids et Time to Pretend, notamment avec Weekend Wars et The Youth), MGMT livrait un deuxième album (Congratulations) beaucoup plus expérimental, plus intéressant je trouve d'ailleurs (écouter Flash Delirium, It's Working, I Found A Whistle) et ayant donc nécessairement moins de succès auprès du plébéien de base. Dans le même temps, Yeasayer passait d'un premier album (All Hour Cymbals) sorti en 2007 et que j'affublerais, en plus des quelques sobriquets cités plus haut, du qualificatif génial, fondamentalement nouveau, parfois étonnant même, à un deuxième (Old Blood, 2010) aux sonorités beaucoup plus electropop faisant un usage récurrent d'effets sonores trahissant l'influence du succès du duo New Yorkais sur les « petits Yeasayer ». Comment interpréter cet étrange changement de direction ? Prise de conscience d'un talent et volonté de se faire connaître au plus grand nombre avec un album plus accessible? Opportunisme occasionné par l'actuelle vague életro-rock?

Rassurons nous cependant, on ne passe pas du chef d'oeuvre à l'étron. En effet, si les mélodies sont plus pop, l'accompagnement instrumental plus électronique et moins épuré d'effets, on retrouve bien la patte et la personnalité sonore forte du groupe sur chaque morceau de Old Blood. On a toujours le droit à une pop déroutante, baroque sans être rococo (aux frontières du kitsch, mais du bon côté), aérienne voire stratosphérique, notamment sur ONE, autre réussite du groupe dans cet album. Gros coup de coeur également pour les chansons Madder red pour ses vocalises envoûtantes et son ambiance très (c'est du moins mon ressenti) « danse apache autour du feu », et Ambling Alp pour son énergie débordante. Certes, c'est très pop, avec des sons parfois, liquides, l'éclatement de bulles sonores, surtout sur Ambling Alp (ils ont du écouter Time to Pretend et plus particulièrement son intro un certain nombre de fois), mais là dessus rien à dire, ca reste frais, neuf, riche, ça fait du bien et cela ne ressemble pas à l'album torché en une semaine, celui qui s'écoute distraitement sur un ordi pendant la vaisselle pour passer le temps. On sent une vraie recherche derrière, et le tout reste cohérent et très agréable à l'écoute.


En fin de compte, bien que d'abord nécessairement surpris par la transition pas évidente et le virage à angle droit pris entre les deux albums, on finit par les trouver complémentaires de la part d'un groupe qui ne semble pas vouloir s'enfermer dans un style mais explorer, chercher la nouveauté, le progrès (l'avenir nous le dira) tout au long de son cheminement. On est un peu forcé le préférer All Hour Cymbals, plus simple, plus épuré, moins électronique, et qui marque surtout la personnalité de Yeasayer avec plus de force, qui la noie moins dans les effets électroniques, mais tout n'est pas à jeter dans Old Blood, bien au contraire. Pour comprendre ce changement musical, écouter notamment le très aérien 2080, leur meilleure chanson à mon avis : les arpèges de guitare, les choeurs, la basse, la batterie, tout semble voler somptueusement en tous sens lorsque débute le refrain, après un premier couplet retenant et maîtrisant plus son énergie. J'en profite pour évoquer un morceau de leurs débuts qui ne figure sur aucun de leurs albums mais qui vaut également le détour, Tightrope, avec un rythme de batterie très tribal (n'y voir aucune des connotations de mauvais goût que ce mot revêtit aujourd'hui dans l'imaginaire collectif, on aurait pu utiliser le mot chamanique, peut être un peu fort pour la circonstance...), des harmonies et doubles voix très soignées.


C'en est donc terminé de cet article qui finalement visait plus à faire découvrir ce groupe au nom résolument imprononçable qu'à commenter le dernier album de Yeasayer, que je recommande donc fortement et qui figure tout de même à la 15ème place du classement NME des meilleurs albums de l'année et au 22ème rang pour le classement des Inrockuptibles, ce qui offre un début de garantie quant à sa qualité et celle de ses compositeurs.

Lucas M.

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