dimanche 14 novembre 2010

Et ... Action !

La légende raconte que lorsque les Action venaient jouer à Brighton, des légions de mods les attendaient en scooters Vespa à l'entrée de la ville et les escortaient à travers les rues jusqu'à la salle de concert, formant une sorte de procession conquérante.
Les Action étaient les favoris avec les Who (première période) et les Creation des mods originels, c'est à dire les plus snobs, les plus puristes, ceux qui écoutaient exclusivement des productions Motown et s'habillaient comme Miles Davis. Les Action avaient leurs quartiers au Marquee, club mythique du Swinging London, où ils ouvraient régulièrement pour les Who. Ceci pour l'anecdote.
Ces adeptes de blue-eye-soul (i.e. de la soul jouée par des blancs), avaient en leur sein une arme fatale, un chanteur blanc brillant, Reggie King, dont la voix onctueuse comme du Nutella (bave) seyait idéalement au genre. Paul weller, chanteur des Jam , dans les notes de pochette de la première réédition vinyle du groupe lui rendait hommage de belle manière: "Si Steve Marriot (ndlr: chanteur des Small faces) est exceptionnel, selon moi reggie King lui est encore supérieur dans la mesure où son chant est toujours naturel. C'est un vrai chanteur de soul." Ajoutons à cela qu'il y a chez lui une limpidité, une douceur presque, absente du registre plus viril d'un James Royal ou d'un Chris Farlowe. C'est d'ailleurs pour ça que pour mon compte, Reggie King est mon favori dans le genre.
Le répertoire des Action était exclusivement noir et témoignait d'un goût très sûr. Tamla Motown, Stax, Atlantic et basta. Mais si on se souvient d'eux, si je prends la peine d'en parler, c'est plus spécifiquement pour deux moments d'éternité, deux morceaux qu'ils n'ont pas écrit; "wasn't it you" d'abord, classique repris par tout le monde de billie davis à petula clarke, dont ils offrent la version ultime. Ensuite et surtout, une relecture de "since i lost my baby", un fleuron des Temptations, qui surpassent l'original, pourtant déjà assez tuant. Cette intro de Rickenbacker, ces coeurs célestes...Le tout produit par George Martin, producteur des Beatles. Le rêve quoi.
Mais nous sommes en 1966, le psychédélisme émerge, ce genre devient obsolète et les Action se disloquent. Quant à Reggie King, il est mort en Octobre dernier, quelque jours avant Solomon Burke ... quelle misère. Et David Guetta lui est toujours vivant.
Vianney G.

mercredi 10 novembre 2010

Gonna take you for a ride on a big jet plane

Un peu de douceur dans ce monde de brutes. Depuis plusieurs mois déjà, le vaste monde des médias spécialisés pop/rock (stations de radio en tête) est touché par une vague de bonne humeur et de zénitude. Cette vague, ce sont deux australiens qui nous l'apportent, deux frère et sœur, j'ai nommé Angus & Julia Stone. C'est d'ailleurs sous ce simple nom qu'ils produisent leurs albums, dont le dernier en date, Down The Way, est sorti en Mars dernier dans la plupart des pays anglophones (Avril en France). Et on peut dire que pour un 2e opus, c'est un franc succès : numéro 1 en Australie, tandis que leur single « Big Jet Plane » est actuellement largement diffusé par les radios françaises. Et autant le dire tout de suite, c'est amplement mérité, tant cet album respire l'authenticité, chose rare en ces temps de mégaconcerts, superproductions et autres groupes à but exclusivement lucratif.

Down The Way s'ouvre sur un crescendo de guitare électrique suivi d'un mélange de piano, de batterie et de violons : « Hold On » donne le ton, l'émotion est là et la voix de Julia est poignante. Une maitrise infaillible des différents instruments, dont un ensemble de cordes, qui révèle un professionnalisme surprenant pour un 2e album. Ce morceau est un paradoxe à lui tout seul : le duo semble tout contrôler à la perfection, alors que la simple vision hors concerts de ces deux phénomènes nous offre inévitablement un spectacle à part entière, tant ils paraissent totalement ailleurs et dépassés par leur succès (mention spéciale pour Angus, dont je vous invite à voir l'interview diffusé dans Taratata, ça vaut le détour !).

Suit ensuite « Black Crow », dans laquelle Angus et sa voix font leur entrée. On peut pour la première fois (et non la dernière) de l'album apprécier l'incroyable complicité des deux frangins, dont les voix se marient parfaitement. C'est incroyable comme ces deux là se complètent (pas étonnant pour des frère et sœur me direz vous). On voit d'ailleurs dans l'interview ci-dessus à quel point un simple regard leur suffit pour communiquer.

Le troisième titre, « For You », est un morceau écrit par Julia pour son ex : dans ce groupe familial, chacun a sa place pour raconter ses propres histoires, renforçant ainsi un peu plus l'authenticité ambiante de l'album. Et vu le résultat, pourquoi s'en priver ? Une intro très minimaliste, le duo ne s'embarrasse pas d'effets superflus : chaque note est à sa place. Ca sent l'enregistrement maison, installé douillettement au milieu du salon. L'album est d'ailleurs auto-produit, tout s'explique.

Après ce passage sentimental, voici LE single qui est l'actuel porte parole d'Angus et Julia en France : « Big Jet Plane ». Une fois de plus, c'est l'équilibre parfait entre les différents éléments, voix et instruments, qui ressort. Les paroles semblent nous prévenir du voyage à part entière que constitue l'album (« Gonna take you away from home »).

Les deux titres suivants, « Santa Monica Dream » et « Yellow Brick Road », mettent en avant la capacité du duo à faire beaucoup avec pas grand chose : une unique guitare accompagnant leurs deux voix et un résultat toujours aussi attachant. Dans la deuxième partie du long « Yellow Brick Road », on constate que quand la guitare devient électrique, c'est une autre ambiance qui se dégage mais qui reste tout aussi plaisante.

Le septième morceau est encore un tube. « And The Boys » est beaucoup moins acoustique que le reste de l'album, et présente même pour la première fois quelques passages de synthétiseur. La preuve que malgré leur goût pour l'acoustique, les Stone sont tout à fait capables de se produire au sein d'un groupe complet. Et cette idée est fortement renforcée par le titre suivant, « On The Road », intro au banjo avant l'entrée de la batterie et de la guitare, qui nous emmène dans une direction relativement différente de celle de la première partie de l'album : le morceau est plus entrainant, et le duo s'éloigne de son style habituel pour s'aventurer vers une Country plus joyeuse.

« Walk It Off » signe le retour des violons, toujours aussi bien gérés, qui donnent de l'ampleur et de l'énergie à cette balade, même si la fin montre à quel point la voix de Julia peut seule prendre l'auditeur aux tripes. Un groupe résolument pop/folk, parfois légèrement country : il ne manquait plus que l'harmonica. L'affront est lavé avec « Hush », et si cet instrument peut à mon sens rapidement devenir agaçant, les deux frangins savent en faire usage avec parcimonie, ce qui est tout à leur honneur.

L'album se poursuit sans surprises avec « Draw Your Swords » et « I'm Not Yours » : pas de folies, Angus et Julia font ce qu'ils savent faire mais le font bien. On sent qu'ils se sont construit un style, certes pas vraiment nouveau, mais qui leur correspond parfaitement. Il est vrai qu'un duo pop/folk essentiellement acoustique, qui compose des ballades sentimentales souvent autobiographiques, ce n'est pas vraiment une invention. Mais c'est exactement ce qu'il leur fallait, et la sincérité que mettent les Stone dans leur musique est l'élément clé qui les place aujourd'hui en tête des ventes.

Notons que la fin de « Draw Your Swords » présente un moment rare : Angus s'énerve ! Mais là encore, ça lui va bien.

L'album s'achève sur le touchant « The Devil's Tears », qui nous laisse sur une impression qui résume parfaitement l'album : de l'émotion, du romantisme, parfois la sensation d'être coupé du monde, mais avant tout un sentiment d'apaisement, de plénitude. Cette album est finalement une véritable thérapie pour le duo et pour l'auditeur. Une façon d'extérioriser toutes leurs émotions profondes, et de décrire des moments de leur vie qui leurs tiennent à cœur. Pour l'auditeur, c'est un moment particulièrement agréable à passer, un moyen de s'évader sans quitter son chez-soi.

Pour ceux qui seraient tentés par le voyage, Angus & Julia Stone seront le 2 Décembre prochain à l'Aeronef pour un concert qui s'annonce des plus envoûtants !

Vincent M.

Fang Island, Fang Island (2010 )

Le 11 mars dernier, le procès opposant Pink Floyd à EMI touchait à sa fin. La formation britannique reprochait à la major de permettre le téléchargement de ses titres à l’unité, alors qu’elle envisageait ses albums comme des ensembles cohérents dont la profondeur ne pouvait être appréhendée par ce mode de distribution.

Cette leçon, le groupe américain Fang Island semble l'avoir bien assimilée. A travers leur premier opus, la formation indépendante fait en effet preuve d’une maturité musicale déroutante malgré leur jeune âge (débuts en 2005). Les mélodies se complètent et dansent éperdument jusqu’à trouver un écho l’une dans l’autre. Des rires moqueurs résonnent tandis qu’on cherche à en percer le mystère. Et alors qu’on pense les avoir apprivoisées, elles nous dévoilent malicieusement un nouveau secret, un nouveau souvenir, un nouveau rêve.

Tout commence avec « Dream of dreams », qui sonne paradoxalement comme la fin d’une époque. Les feux d’artifices allègres laissent bientôt place à des harmonies de guitare qui se combinent en un chuchotement désenchanté. Et c’est seulement quand leur complainte atteint son paroxysme que le chœur formé par les 5 membres du groupe daigne faire une brève apparition. Guitares et batterie font alors leur retour et, sans s’en apercevoir, on est passé au morceau suivant, « Carefull Crossers », fête d’adieu instrumentale qui se veut plus rassurante.

La chute n’en est que plus dure quand retentit à nouveau le chœur pour la poignante « Daisy ». L’excitation à l’idée d’une nouvelle ère est teintée d’amertume et d’une nostalgie déchirante pour les joies d’un passé révolu. Dans « Life Coach », voix et instruments se joignent pour une ode à la vie et à la renaissance proche. Un rythme plus rapide engage « Sideswiper » comme si on nous pressait de tout oublier pour ne pas souffrir, et puis, subitement, tout se ralentit comme pour nous autoriser un dernier regard en arrière. Avec « The Illinois », des guitares obsédantes et des brusques changements de rythmes nous offrent un nouveau départ.

Et subitement, tout s’éclaircit. On perçoit de la joie dans le chant à présent décomplexé de « Treeton » et les paroles sont porteuses de plus d’espoir : « Let our dreams grow out together ». Là-dessus arrive « Davey Crockett », long morceau qui renoue avec cette mélancolie qu’on croyait éteinte et qui nous laisse confus. « Dorian », final de l’album, tente d’apporter une réponse à ces doutes avec un air qui évoque un mariage, le début d’une aventure. On a peut-être fait le bon choix. C’est en tout cas ce dont on se convainc quand des feux d’artifice viennent conclure le morceau.

Seul défaut de l’album, il est un peu lassant sur la durée, et on regrettera par exemple qu’il n’y ait pas un deuxième « Daisy » pour lui insuffler une nouvelle vie. Mais c’est un détail dont on ne saurait leur tenir rigueur après seulement 5 ans d’existence. Avec ses mélodies aériennes façon Wild Nothing et ses atmosphères à la Animal Collective, Fang Island signe en effet une première réalisation ambitieuse qui laisse augurer du meilleur pour l’avenir.


Franck A.

dimanche 7 novembre 2010

Supergrass tire le rideau














Écoutez ça et lisez le reste du post. Je sais qu'il est long, je vais faire un effort pour les prochaines fois.


C'est drôle la manière dont certaines nouvelles passent comme une lettre à la poste ; pourtant avec la dissolution impromptue de Supergrass, on perd là l'un des 4 ou 5 groupes les plus brillants des années 90 et 2000. Supergrass, c'étaient un peu les Kinks des années Blair, le groupe parfait qui n'a pas eu autant que ce qu'il méritait. Lâchés par leur maison de disques récemment, devant depuis pas mal de temps se contenter des premières parties des boy-scouts puants de Coldplay, l'affaire sentait le sapin. Mais l'annonce de leur séparation, après 18 ans d'une carrière ponctuée de 6 albums tous irréprochables, a pris tout le monde de court ; on annonçait en effet un album, Release the drones, et Gaz Combes (le chanteur) et Danny Goffey (le batteur) venait de publier en juin un recueil de reprises sous le nom de the Hot Rats (patronyme hommage à Zappa on imagine), bien fait d'ailleurs mais un peu vain comme souvent avec ce genre d'exercice (si ce n'est peut être le Kicking against the pricks de Nick Cave).

Évoquant cette rupture impromptue, beaucoup ont souligné qu'il valait mieux qu'ils se séparent avant de commettre l'album de trop. Ben moi, personnellement, j'aurais aimé le voir, bon ou mauvais. Un ou deux albums faibles avant de se séparer, comme les Clash ou Roxy (ou 15 comme les Kinks), ça rassure, ça officialise, ça prépare à une rupture sereine, en souplesse, sans fausse espérance et sans regrets. Alors que là les trois pieds nickelés (qui étaient 4 depuis que Robert, le frère de Gaz, les avait rejoints en 1997) se séparent un peu comme des malpropres. Retraçons leur parcours.

Supergrass est issu d'Oxford comme les pleureuses de Radiohead, c'est heureusement là leur seul point commun. C'est en 1995 qu'ils débarquent avec fracas dans le poulailler britpop avec I should coco (déjà le titre...), bourré de singles supersoniques géniaux: "Caught by the fuzz", "Lose it", "Mansize rooster", et le suprêmement couillon "Alright", mettant alors tout le monde à genoux. Sur la foi de ce tube (leur seul véritable) se fondera malheureusement un malentendu essentiel, celui qui consiste à voir en Supergrass une bande de sympathiques trublions inoffensifs alors que, on le répète, ils ont enregistré certains des plus durables moments de rock de ces trentes dernières années. C'est triste de constater qu'il faille se mortifier pour pouvoir être crédible.

Supergrass avait pourtant sans même sûrement le savoir tout compris à ce que devait être la pop : une musique référencée sans être cuistre et (et c'est là la difficulté) moderne. Ce trio de gentlemen avait tout ce qu'il fallait pour cela : l'énergie, de la fraicheur, une insolente facilité. En un mot : du talent. Auquel il faut ajouter une bonne dose de charisme canaille ; il faut voir Gaz Combes en live, le regard madré de celui qui sait qu'il plait, le sourire carnassier, beau comme un Mick Jagger de 1966, malgré une gueule pas possible, quelque part entre le reptile et le rongeur. Mi-campagnol mi-crocodile. Le batteur est pas mal non plus dans son genre, l'œil invariablement hagard, la lippe pendante, l'air ahuri, frappant sur ses fûts avec de grands moulinets outranciers. A cette époque, ils sont les nouveaux héros de l'Angleterre.

Pourtant après ce premier album éminemment buzzcockien (i.e. on joue vite et on tape fort), une scission s'opère avec le public lors de la sortie d'In it for the money, qui y voit le signe d'un essoufflement de l'ardeur juvénile des gaillards (alors qu'il est juste moins speedy gonzales que le premier) et est également désarçonné par la noirceur (un bien grand mot tout de même) inédite de certains titres ("Richard 3", "In it for the money"), même si les ventes sont encore tout à fait respectables.


J'ai des réserves face au mythe de "l'injustement méconnu" ou de "il'nsuffisamment reconnu", même si bon an, mal an, j'y souscris ; Supergrass entre dans la deuxième catégorie. Ne falsifions pas, Supergrass a eu son heure de gloire. Un million de singles vendus pour "Alright" tout de même. Mais la désaffection (d'une grosse partie de son audience, de la critique qui ne s'y intéressait plus qu'avec l'indifférence polie qu'on réserve aux anciens) dès "In it for the money" a été tout aussi rapide et inexplicable. Car les quatre albums qui suivront seront tout aussi réussis. Du plus contemplatif Road to rouen au psyché Life on other planets et jusqu'au retour au rock brindezingue de leurs débuts que constitue Diamond hoo ha, jamais Supergrass n'aura connu la moindre baisse de régime, avançant avec une constance exemplaire. Il faut écouter "Moving" et sa partie disco rebondissante pour se rendre compte que ces gens là assuraient à mort. Il faut écouter "Mary", morceau faramineux plein de méchant larsen, morceau de train fantôme. Il faut la perfection pop de "St petersburg", qui a du laisser sur le cul ceux qui en étaient restés à "Mansize rooster" . "Seen the light" du T-rex meilleur que du T-rex. Et "Sad girl" ? Et "Diamond hoo ha men" ? Et "Can't get up" ? Et "Bad blood" ? Et "What went wrong with your head" ? Que de l'excellent, on vous dit !


Les trois de Supergrass n'auront pas la présence d'esprit de se droguer, ce qui leur aurait conféré une vague aura subversive (façon Peter Doherty, que je ne vénère pas mais qui m'amuse et qui a des coups de génie épisodiques comme ici) et qui aurait peut être endigué leur déclin commercial. Juste une réflexion qui m'est venue récemment : je comprends très bien que les rock stars soient moins inconséquentes qu'il y a trente ou quarante ans (ne pas s'étonner si j'affirme le contraire dans un post prochain). Je comprends très bien qu'on refuse de jouer dans le cirque rock'n'roll un rôle qui fût joué par d'autres, et qui avait du sens à l'époque mais qui est devenu aussi codifié que ce à quoi il s'opposait au départ (ça se passe malheureusement souvent comme ça).

Il fût un temps où moi même je me bourrais scrupuleusement la gueule dans une frénésie d'hédonisme rageur, non pas par goût (ou pas que par goût), mais pour correspondre à je ne sais quelle éthique de vie. J'ai dû finir cinq fois chez les flics, à peu près autant de fois dans la rue (ça fait des histoires pour les petits enfants) et maintenant, il y a des jours où me miner me parait une véritable corvée (ce qui est sûrement le signe d'une certaine santé mentale, mais ça me déprime un peu, pour tout dire). Maintenant je me bourre la gueule parce que je ne sais pas boire (n'ais jamais trop su), sans faire exprès. Notez que quand vous vous retrouvez dans un appartement de 30m² rempli à craquer, où vous ne connaissez pas la moitié des personnes présentes, et eussiez vous envie de leur parler, vous ne pourriez pas car Wax Taylor ou je ne sais quelle autre boue électro mise à plein volume vous en empêcherait, la seule chose sensée à faire est de s'anesthésier un bon coup.

Mais les Supergrass ne sont pas comme ça. Il y avait chez eux une intégrité et une méfiance épidermique pour tout ce qui relevait de la promotion qui forçait le respect. Dans une interview (exercice qu'il détestait) de 2005, Gaz Combes déclare, aux anges : " Je n'ai jamais parlé de moi, personne ne sait ce qu'est ma vie". T'as eu bien raison gros père.

Voilà, j'ai fini, allez donc télécharger leurs albums (je vais pas vous dire de les acheter, j'aurai l'air idiot). Je n'en ai pas un à recommander plus que les autres même si j'ai un petit faible pour le troisième.
Ah et j'ai loupé leur dernier concert à la Cigale, voilà c'est sûr, je ne verrai jamais Supergrass en vrai, ils ne m'ont pas attendu. Avec ce concert parait-il génial pour tous ceux qui ont eu la chance d'y assister, le groupe achève en tous cas sa carrière comme il l'a menée ; avec classe.

Vianney G.

samedi 6 novembre 2010

The Fall, This Nation's Saving Grace (1985)

Vous ne connaissez probablement pas The Fall, groupe formé en 1976. Rien de surprenant puisque Mark Edward Smith, chanteur et seul membre constant du groupe, n’a rien d’un leader charismatique. Cinquantenaire misanthrope et alcoolique notoire, il est connu pour son franc-parler et des altercations récurrentes avec ses musiciens. Doté d’un humour noir corrosif, moqueur et antipathique, c’est le genre de personnage qu’on ne peut pourtant pas s’empêcher d’apprécier.

Est-ce que cela tient à sa longévité (35 ans de carrière dans une formation toujours changeante), à son envie intacte (une trentaine d’albums studio) ou à ce ton rageur qui vous fait tressaillir quand il chante ? Sans soute un peu des trois. Toujours est-il que le bonhomme a produit quelques merveilles sans âge, qui ont inspiré des pointures telles que Sonic Youth, Pavement ou Nirvana.

On pourrait continuer à parler de l’individu pendant des heures, évoquer son aversion pour le foot ou pour l’orgueil français, mais concentrons-nous plutôt sur This Nation’s Saving Grace, bijou intemporel encensé par la critique comme par le public à sa sortie en 1985.

Les festivités commencent avec « Mansion », morceau instrumental hanté par une mélodie inquiétante et lugubre qui vous fait frémir d’une excitation contenue. Arrive alors « Bombast » qui, s’il nous laisse un peu sur notre faim, n’en témoigne pas moins de la hargne du chanteur tandis qu’il s’écrie « Bastard! Idiot! Feel the wrath of my bombast! ». La machine est lancée, et tout le génie du groupe se révèle à travers l’excellent « Barmy », sa fougue irrésistible et son riff d’une prodigieuse simplicité. Sur « What You Need », les guitares entêtantes voire répétitives (sans que cela soit jamais un défaut) résonnent comme si elles voulaient ancrer le morceau à jamais dans notre esprit.
C’est d’ailleurs ce qui se passe avec « Spoilt Victorian Child », au rythme tantôt calme tantôt explosif, et aux paroles martelées sans répit. « L.A »., autre pépite de cet album, nous replonge dans l’atmosphère inquiétante de « Mansion », tandis que les cris lancinants du chanteur n’en finissent pas de nous transpercer. Une voix féminine introduit alors doucement « Vixen », et se mêle ensuite à celle du chanteur pour un morceau terriblement bon.

A ce stade de l’album, l’alchimie a déjà parfaitement opéré et les refrains se bousculent dans notre tête. Mais le groupe n’en a pas fini et les réjouissances reprennent avec « Couldn’t Get Ahead », morceau puissant aux paroles crachées avec violence, bientôt suivi par le plus faible, « Gut of the quantifier ». Un air plus tranquille mais teinté d’un certain malaise introduit « My New House », avant que très vite, tout s’emballe et qu’on soit pris d’une envie irrésistible de chanter en rythme les paroles. « Paint Work » prouve la capacité de la formation à explorer un autre registre : une sérénité empreinte de nostalgie, une quiétude languissante et reposante. « I am Damo Suzuki » est un hommage réussi au groupe de rock expérimental Can, dont Damo Suzuki était membre.

L’album se termine en apothéose avec « To Nkroachment: Yarbles », un « Mansion » avec une tension encore accrue par la voix de Mark E Smith. Bien qu’absents dans la première édition de l’album, n’omettons pas trois autres excellents morceaux qui furent ajoutés par la suite : l’hypnotisant « Pretty (Thief) Lout », le très dansant et un peu rétro « Rollin’ Dany » et enfin l’explosif et très connu « Cruiser’s Creek ».

This Nation’s Saving Grace donne un aperçu du talent immense de The Fall. Mais le génie de son leader ne saurait s’y résumer, des morceaux comme « Janet, Johnny and James » ou « Mr. Pharmacist » en attestent. Tout au long de sa carrière, Mark E Smith n’a cessé d’explorer de nouveaux horizons musicaux pour faire évoluer son style. Seul l’homme n’a pas changé : il est toujours ce râleur invétéré doté d’une langue incisive.

La preuve en fut faite pas plus tard que le 21 octobre dernier, quand il entendit chanter les Mumford & Sons et les qualifia de chanteurs de folk retardés, avant de leur balancer des bouteilles pour les faire taire…


Franck A.