
Est-ce que cela tient à sa longévité (35 ans de carrière dans une formation toujours changeante), à son envie intacte (une trentaine d’albums studio) ou à ce ton rageur qui vous fait tressaillir quand il chante ? Sans soute un peu des trois. Toujours est-il que le bonhomme a produit quelques merveilles sans âge, qui ont inspiré des pointures telles que Sonic Youth, Pavement ou Nirvana.
On pourrait continuer à parler de l’individu pendant des heures, évoquer son aversion pour le foot ou pour l’orgueil français, mais concentrons-nous plutôt sur This Nation’s Saving Grace, bijou intemporel encensé par la critique comme par le public à sa sortie en 1985.
Les festivités commencent avec « Mansion », morceau instrumental hanté par une mélodie inquiétante et lugubre qui vous fait frémir d’une excitation contenue. Arrive alors « Bombast » qui, s’il nous laisse un peu sur notre faim, n’en témoigne pas moins de la hargne du chanteur tandis qu’il s’écrie « Bastard! Idiot! Feel the wrath of my bombast! ». La machine est lancée, et tout le génie du groupe se révèle à travers l’excellent « Barmy », sa fougue irrésistible et son riff d’une prodigieuse simplicité. Sur « What You Need », les guitares entêtantes voire répétitives (sans que cela soit jamais un défaut) résonnent comme si elles voulaient ancrer le morceau à jamais dans notre esprit.
C’est d’ailleurs ce qui se passe avec « Spoilt Victorian Child », au rythme tantôt calme tantôt explosif, et aux paroles martelées sans répit. « L.A »., autre pépite de cet album, nous replonge dans l’atmosphère inquiétante de « Mansion », tandis que les cris lancinants du chanteur n’en finissent pas de nous transpercer. Une voix féminine introduit alors doucement « Vixen », et se mêle ensuite à celle du chanteur pour un morceau terriblement bon.
A ce stade de l’album, l’alchimie a déjà parfaitement opéré et les refrains se bousculent dans notre tête. Mais le groupe n’en a pas fini et les réjouissances reprennent avec « Couldn’t Get Ahead », morceau puissant aux paroles crachées avec violence, bientôt suivi par le plus faible, « Gut of the quantifier ». Un air plus tranquille mais teinté d’un certain malaise introduit « My New House », avant que très vite, tout s’emballe et qu’on soit pris d’une envie irrésistible de chanter en rythme les paroles. « Paint Work » prouve la capacité de la formation à explorer un autre registre : une sérénité empreinte de nostalgie, une quiétude languissante et reposante. « I am Damo Suzuki » est un hommage réussi au groupe de rock expérimental Can, dont Damo Suzuki était membre.
L’album se termine en apothéose avec « To Nkroachment: Yarbles », un « Mansion » avec une tension encore accrue par la voix de Mark E Smith. Bien qu’absents dans la première édition de l’album, n’omettons pas trois autres excellents morceaux qui furent ajoutés par la suite : l’hypnotisant « Pretty (Thief) Lout », le très dansant et un peu rétro « Rollin’ Dany » et enfin l’explosif et très connu « Cruiser’s Creek ».

La preuve en fut faite pas plus tard que le 21 octobre dernier, quand il entendit chanter les Mumford & Sons et les qualifia de chanteurs de folk retardés, avant de leur balancer des bouteilles pour les faire taire…
Franck A.
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