jeudi 28 octobre 2010

Foals : they won't get fooled again

Foals, Total Life Forever

Nombreux sont les groupes qui, après un premier album encensé par la critique et apprécié par le public, tombent dans la facilité, versent dans le commercial et nous délivrent une sombre daube, un purulent étron en guise de second album (ou pire, se prostituent littéralement et détruisent une de leurs chansons en la donnant à une publicité du Crédit Agricole, je ne vise personne...). On pourrait citer par exemple Kings of Leon, qui après un premier album absolument génial, nous ont livré trois autres albums en demi-teinte et un dernier carrément fade auquel j'ai personnellement bien du mal à trouver un intérêt (Come Around Sundown). Il conviendrait de dénoncer également la mauvaise pente prise par les Kooks sur quelques chansons de leur second album, alors que l'on avait pu ressentir sur le précédent une recherche et une inspiration plus approfondie (la suite en février pour la sortie de leur prochain album). Trêve de digressions, recentrons nous sur le groupe sur lequel il était initialement prévu que je parle.

Inquiétudes écartées, donc, pour Foals, qui après l'excellent Antidotes signe avec Total Life Forever un album encore plus abouti, réussissant ainsi à innover, à explorer des horizons musicaux sans cesse élargis sans pour autant trahir leurs racines musicales.

Principal changement : l'agressivité du premier opus y apparaît plus contrôlée, non pas bridée mais plutôt plus maîtrisée. Les mélodies sont encore plus aériennes que sur Antidotes, les ambiances sonores, encore plus riches (si c'est possible). La rigueur et la précision avec laquelle chaque phrase est ciselée et chaque effet est créé laissent deviner un travail colossal et harassant accompli en amont. Nos quatre Londoniens ont en effet repoussé les limites du masochisme et choisi de s'enfermer pendant plusieurs mois dans un studio improbable au fin fond le la Suède (autant dire aucun risque d'être emmerdés) pour mettre au monde leur projet. Ils ont ainsi repris et repris encore chacune de leurs compositions avec un perfectionnisme les ayant poussés, selon leurs propres dires, au bord de la démence. Le résultat est époustouflant : une claque monumentale, on serait même tentés de les encourager à se torturer (oui encooore!) si c'est pour nous pondre de pareilles merveilles.

L'album commence sur le morceau intitulé Blue Blood, avec une note harmonique de guitare répétée avec un fort écho, comme pour apporter à l'ouvrage une première signature du groupe britannique. Le chanteur entonne les premiers mots de la chanson, puis c'est au tour de la basse de marteler le riff principal, bien aidée en cela par les percussions. On ne peut qu'être sidérés par le fait que les ruptures entre couplets calmes et planants et refrains plus rock, pourtant fortement marquées tant au niveau du rythme que de l'atmosphère, paraissent naturelles, presque évidentes. Un pont mêlant miraculeusement ces deux ambiances a priori opposées nous accompagnera même par la suite jusqu'à la fin du morceau. On pourrait ainsi encenser la plupart des morceaux de l'album et crier au miracle toutes les trente secondes, mais je me contenterais, par souci de concision et au prix d'un déchirement insoutenable, de ne vous décrire que les titres les plus représentatifs du disque.

J'ai alors naturellement le devoir d'évoquer la chanson éponyme, Total Life Forerver. Sans doute un des titres les plus rock de l'album, au moins au niveau de l'instrumental, il est également un de ceux qui nous évoqueront le plus Antidotes. Spanish Sahara constitue un autre exemple de morceau de haut vol aux débuts envoûtants annonçant peu à peu une montée un puissance et en volume pour finir en authentique orgasme sonore. Alabaster s'inscrit également dans la même veine (mais on ne s'en lasse pas), et pousse plus loin encore la recherche mélodique et harmonique, sans réelle explosion ou démonstration de force cependant. Je finirai sur 2 Trees, un titre d'une mélancolie poignante, traversé d'un chant à plusieurs voix, de guitares lointaines et plaintives sur un fond de percussions légères...

Total Life Forever est sorti il y a déjà six mois, et on ne peut que s'étonner du (trop) peu de succès qu'il rencontre pour le moment, tant les critiques se sont montrées unanimes à son égard. Pourquoi diable en parler s'il a déjà six mois? Pour la simple et bonne raison que Foals est actuellement en tournée pour cet album et que la formation de Yannis Philippakis passera à Lille le 16 novembre. Ayant moi-même eu du mal à garder mon flegme et mon sens critique devant pareille merveille seul avec un casque sur les oreilles, on ne peut qu'imaginer ce que cet album pourrait donner en live... concert à ne manquer sous aucun prétexte!!!

Lucas M.

Trêve de Barâtin

CARL BARÂT

Incompréhension et réticence furent les deux mots que m'inspirèrent au premier abord la sortie de cet album solo du moins connu des deux leaders emblématiques des - jusqu'à récemment - feu Libertines. En effet, il est de notoriété publique que ces derniers se sont reformés cet été pour quelques concerts rageurs Outre-Manche. Drôle de moment choisi par notre ami Carl pour sortir un album solo, et singulière manière de promouvoir cette reformation du groupe, se dira-t-on. Réticence également : car pendant que son frère ennemi Peter Doherty nous gratifiait ça et là de quelques pépites depuis 2004 et la dissolution des Libertines, que cela soit avec les Babyshambles (on pense notamment a l'incontournable Delivery et dans une moindre mesure Fuck Forever et autres...) ou en solo (Last of the English Roses, un album très réussi que je ne peux que conseiller, avec notamment le titre Salome), Carl Barât pataugeait avec les laborieux Dirty Pretty Things qui semblaient plus à l'aise dans la transpiration que dans l'inspiration. Réticence accentuée par une pochette absolument infecte.

Une fois n'est pas coutume, le contenu de l'album va s'évertuer à me contredire. À l'image de son compère Doherty (bien que plus tardivement), Carl Barât semble s'être enfin décidé à cesser de se planquer derrière sa guitare électrique pour s'ouvrir à des horizons plus larges au sein desquels violons, pianos et parfois cuivres (sur Run with the Boys notamment) se font une place. Sa voix ne braille plus mais raconte une histoire, et ce dès le premier morceau, the Magus, à la mélodie douceâtre et envoûtante. Vient ensuite Je Regrette, Je Regrette, dont l'intro pourra nous rappeler celle de don't look back into the sun, l'intro seulement car par la suite des claviers et quelques touches bien senties de piano, de xylophone (si si!) viendront agrémenter une mélodie inspirée, et dont on peut sans doute prédire sans trop s'avancer qu'elle sera la chanson la plus « connue » de l'album, ce qui n'est assurément pas à prendre comme un défaut ici. Avec She's something, Barât nous offre un morceau acoustique pour le moins réussi, aux rythmes variés et à la mélodie réellement plaisante. Dans The Fall (un de mes morceaux préférés dans cet album), Carl créé une atmosphère dérangeante, voire inquiétante, mais séduisante au possible, chantant d'un ton grave, parlant presque par moment. So long, my lover est sans doute (avec je regrette, je regrette) le morceau plus pop et le plus accessible (moins révolutionnaires mais pas moins agréables) de l'album qui donc risque également de bien marcher auprès du grand public. Même lorsqu'il n'utilise que les ingrédients rock classiques (guitares, basse et batterie), Carl Barât cherche ici à innover, à se créer un style propre, par exemple grâce à quelques accords de pianos comme sur le très réussi What have I done. Je finirais sur Ode to a Girl, balade magnifique composée sur un fond de piano lointain sur lequel se greffent le murmure de Carl, quelques arpèges de guitare cristallines puis de légers roulements de caisse claire, à peine audibles...

Il convient donc de saluer cette première expérience de Songwriter/storyteller pour le moins concluante de celui qui était resté trop longtemps dans l'ombre de son ex-acolyte, Pete Doherty. Comme ce dernier sur son album solo, Carl ne se sera pas contenté de recycler la recette rocks-libertines en une dizaine de nouveaux morceaux, mais aura su créer un univers autour de son projet, lui insuffler une âme. Cet album nous présente donc un Carl Barât plus mature, décomplexé musicalement et à qui il est à l'évidence arrivé au moins une fois dans sa vie d'écouter quelques CD d'un certain David Bowie...

Carl Barât sera en concert le 4 novembre (avec The Drums en première partie) à l'Aeronef dans le cadre du festival « Les Inrocks Black XS ».

Lucas M.

vendredi 15 octobre 2010

Bon son ne saurait mentir



De ce groupe dont le chanteur a tout de l'orang-outan, j'avais ouï dire des choses intrigantes; qu'ils faisaient des concerts en jogging (j'ai moi même déjà donné un concert dans un collant de course en lycra rose), qu'ils étaient les protégés de Noel Gallagher (de loin le moins con des deux frères), qu'ils vénéraient Love et les Kinks, qu'ils seraient LE groupe le plus sous-estimé des années 2000. Autant dire que ma curiosité fut excitée comme rarement.

Autant tuer le suspense dans l'œuf : je fus déçu. A l'écoute des précédents albums surnageait l'impression d'entendre un solide CV de références sixties plutôt qu'une inspiration en propre. Je les trouvais un peu trop roués, un peu trop experts pour tout dire. Personne n'aime qu'on lui fasse des appels de pied trop insistants, ce qui était la mauvaise habitude des Coral et est encore le cas avec la pochette furieusement rétro de ce nouvel album.

On ne sait si cela provient de leur extraction (ils sont de Liverpool, comme les Beatles mais aussi comme les La's, groupe formidable d'un seul album dont on aimerait qu'il soit moins culte et que plus de gens l'écoutent) mais les Coral, à défaut d'avoir du génie, ont malgré tout un savoir-faire. Ils savent écrire une chanson, ils savent quel accord doit aller derrière tel accord pour que ça sonne bien. Ce modeste (dans le bon sens du terme) artisanat (toujours dans le bon sens du terme) pop donne occasionnellement lieu à de petites merveilles sans âge: "Jacqueline" (adorable cette chanson) , "Don't think you're the first" , "Fireflies", "Pass it on", "Put the sun black"... Mais les albums, jamais il ne me serait venu à l'idée d'en acheter un. Jusqu'à aujourd'hui.

"C'est notre meilleur album", assure le chanteur James Skelly. On sait ce que vaut ce genre de déclaration bravache auquel un groupe recourt le plus souvent lorsqu'il est en fait sur le déclin, croyant sans doute en une miraculeuse valeur performatrice de leur parole,supposée conjurer un état de fait cruel qu'il refuse de voir et d'accepter avec grâce; c'est triste mais c'est humain. Sauf que là en l'occurrence c'est exact; ce Butterfly house est bien leur meilleur album. Il suffit pour s'en convaincre d'écouter "Roving jewel", "Butterfly house" et ce break superbe à 1:58, "Green is the colour", "Another way", "North parade" ... Rien de fondamental dans l'idée, on retrouve toujours cette obsession pour un psychédélisme léger et la scène folk-rock des sixties (Byrds, CSN&Y, Lovin Spoonful...), toujours ce même chant accablé très beau à ses meilleurs moments, toujours ses guitares cristallines. Oh ce n'est pas groundbrêkingeu mais c'est damn well fait, et mine de rien l'un des meilleurs nouveaux trucs que j'ai entendus en 2010, même si l'album n'est pas exempt de certains défauts (une certaine indolence, une certaine joliesse un peu déplacée parfois comme sur "Falling all around you"...).

Et preuve supplémentaire s'il en fallait une, les incapables de Pitchfork n'ont pas aimé, déplorant " a déjà vu sens of pastiche". Ce qui est idiot évidemment. Je suspecte personnellement ceux qui trouvent la pop des Coral passéiste d'être les mêmes qui s'extasient de la pâtée imbitable que nous ressort régulièrement Radiohead. C'est au contraire la marque des bons que de savoir se confronter à la tradition sans que ça sente le faisandé. Et c'est la première fois que les Coral relèvent le pari sur la distance d'un album. (fort heureusement il est probable qu'avec cet album, l'audience des Coral suivra une pente plus favorable que celle du lectorat dudit magazine).

A l'aéronef le 5 novembre.

Vianney G.

dimanche 3 octobre 2010

Sea of Cowards


Je ne dirais jamais du mal de Jack White, j'aime trop le personnage pour cela. Grand chanteur, guitariste inspiré, homme de scène électrisant. Rien à dire. Mais reste que depuis (qui date de 2001 tout de même; un bail), Jack, dont on se demande si on peut encore dire de lui qu'il est le leader des White Stripes, n'a sorti que des albums moyens, traversés ça et là de chansons géniales ("White blood cells", "Prickly thorn", "Sweetly worn", "A martyr for my love for you", "The denial twist"). Si vous me demandez, la mode des projets récréatifs pue en général: allez parler de side project à Keith Richards, il est probable qu'il vous rira au nez. Si le polygamisme musical réussit à certains, pour Jack, j'ai un doute. Il a certes écrit des trucs affolants avec les Raconteurs: "Steady as she goes", certes pompé plus qu'a moitié sur un morceau de Terry Reid (pour le coup, Jack n'est pas fan de Led Zep pour rien , eux qui ont également largement "emprunté" à Bert Jansch ou Jake Holmes, entre autres. Pas que ce soit très grave d'ailleurs), "Broken boy soldier", ou surtout le faramineux "Carolina drama". L'an dernier, on avait eu droit à la première tentative de Dead Weather, le nouveau jouet de Jack White. Soit 43 minutes de blues-rock hommage à ses prédecesseurs seventies. L'album était, parait-il, "brut", "jouissif", "sensuel". C'était surtout informe, tonitruant, vaguement gothique et très balourd. Rien d'impérissable en somme. Certes Alisson Mosshart est une appétissante potiche, elle miaule même joliment et dans son perfecto et son slim, elle est à crever. Mais ça ne fait pas tout.

A l'écoute de Horehound, on restait déjà sur notre faim en fait de stupre et surtout de mélodie, si ce n'était sur un très beau "Will there be enough water", long blues anesthésié qui clôturait le premier album. Pas plus de mélodies ou de moments aussi fort pour ce deuxième essai, mais il serait injuste de ne pas saluer les deux, trois bizarreries présentes ici, mélanges de méchants petits riffs, de clavier entêtant, de chant morgueur et sexy qui font que cet album est très supérieur au premier, notamment le premier single "Die by the drop", un "I can't hear you" lorgnant vers le blues funky d'un Hendrix en fin de vie, et surtout "The difference between us", morceau étrange que je me suis surpris à écouter en boucle.

Tout cela est quelquefois pénible ("Loooking at the invisible man", "I'm mad", "Blue blood blues"...), on voit à peu près ce qu'ils ont voulu faire mais ça ne marche vraiment que par intermittence comme dans l'album des Them Crooked Vultures.

L'explication de la relative faiblesse de ces albums (même si encore une fois Sea of cowards est nettement meilleur que le premier) va de soi ; les chansons sont composées collégialement. Or Jack White n'a jamais été aussi bon que seul avec sa sœur ( je sais "seul avec quelqu'un c'est idiot mais vous m'avez compris). Un groupe, quoi qu'on en dise, c'est souvent la vision d'un seul. Deux exemples qui me viennent; à partir du moment où Fogerty et Townshend ont laissé les autres membres participer au processus d'écriture, ça a été la chienlit pour Creedence et les Who. Et pour cause; ça traduisait moins une volonté généreuse de faire participer le reste du groupe qu'une panne d'inspiration de leur part. (Comme toutes les règles trop générales, celle qui précède s'avère souvent fausse)

D'où la question, Jack White va t-il rentrer au bercail et réengistrer sous l'appellation White Stripes ? Un documentaire sur leur dernière tournée, parait-il très bon, Under great white northern lights, semble plutôt entériner l'idée d'un fin du duo bicolore. Affaire à suivre donc.

Vianney G.