jeudi 28 octobre 2010

Trêve de Barâtin

CARL BARÂT

Incompréhension et réticence furent les deux mots que m'inspirèrent au premier abord la sortie de cet album solo du moins connu des deux leaders emblématiques des - jusqu'à récemment - feu Libertines. En effet, il est de notoriété publique que ces derniers se sont reformés cet été pour quelques concerts rageurs Outre-Manche. Drôle de moment choisi par notre ami Carl pour sortir un album solo, et singulière manière de promouvoir cette reformation du groupe, se dira-t-on. Réticence également : car pendant que son frère ennemi Peter Doherty nous gratifiait ça et là de quelques pépites depuis 2004 et la dissolution des Libertines, que cela soit avec les Babyshambles (on pense notamment a l'incontournable Delivery et dans une moindre mesure Fuck Forever et autres...) ou en solo (Last of the English Roses, un album très réussi que je ne peux que conseiller, avec notamment le titre Salome), Carl Barât pataugeait avec les laborieux Dirty Pretty Things qui semblaient plus à l'aise dans la transpiration que dans l'inspiration. Réticence accentuée par une pochette absolument infecte.

Une fois n'est pas coutume, le contenu de l'album va s'évertuer à me contredire. À l'image de son compère Doherty (bien que plus tardivement), Carl Barât semble s'être enfin décidé à cesser de se planquer derrière sa guitare électrique pour s'ouvrir à des horizons plus larges au sein desquels violons, pianos et parfois cuivres (sur Run with the Boys notamment) se font une place. Sa voix ne braille plus mais raconte une histoire, et ce dès le premier morceau, the Magus, à la mélodie douceâtre et envoûtante. Vient ensuite Je Regrette, Je Regrette, dont l'intro pourra nous rappeler celle de don't look back into the sun, l'intro seulement car par la suite des claviers et quelques touches bien senties de piano, de xylophone (si si!) viendront agrémenter une mélodie inspirée, et dont on peut sans doute prédire sans trop s'avancer qu'elle sera la chanson la plus « connue » de l'album, ce qui n'est assurément pas à prendre comme un défaut ici. Avec She's something, Barât nous offre un morceau acoustique pour le moins réussi, aux rythmes variés et à la mélodie réellement plaisante. Dans The Fall (un de mes morceaux préférés dans cet album), Carl créé une atmosphère dérangeante, voire inquiétante, mais séduisante au possible, chantant d'un ton grave, parlant presque par moment. So long, my lover est sans doute (avec je regrette, je regrette) le morceau plus pop et le plus accessible (moins révolutionnaires mais pas moins agréables) de l'album qui donc risque également de bien marcher auprès du grand public. Même lorsqu'il n'utilise que les ingrédients rock classiques (guitares, basse et batterie), Carl Barât cherche ici à innover, à se créer un style propre, par exemple grâce à quelques accords de pianos comme sur le très réussi What have I done. Je finirais sur Ode to a Girl, balade magnifique composée sur un fond de piano lointain sur lequel se greffent le murmure de Carl, quelques arpèges de guitare cristallines puis de légers roulements de caisse claire, à peine audibles...

Il convient donc de saluer cette première expérience de Songwriter/storyteller pour le moins concluante de celui qui était resté trop longtemps dans l'ombre de son ex-acolyte, Pete Doherty. Comme ce dernier sur son album solo, Carl ne se sera pas contenté de recycler la recette rocks-libertines en une dizaine de nouveaux morceaux, mais aura su créer un univers autour de son projet, lui insuffler une âme. Cet album nous présente donc un Carl Barât plus mature, décomplexé musicalement et à qui il est à l'évidence arrivé au moins une fois dans sa vie d'écouter quelques CD d'un certain David Bowie...

Carl Barât sera en concert le 4 novembre (avec The Drums en première partie) à l'Aeronef dans le cadre du festival « Les Inrocks Black XS ».

Lucas M.

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