Les Pixies peuvent se targuer de faire office de figure de proue du rock alternatif. Leur formation en 1986, dans des années souvent considérées comme stériles, avec un rock qui se cherche après la fin du punk, semble relever d’une erreur temporelle. Certes, la décennie contient son lot d’artistes qui en valent le détour (INXS, Sonic Youth, REM, Violent Femmes, Gang of Four, Mudhoney, The Fall, Orange Juice…). Mais combien peuvent prétendre à une influence comparable à celle des Pixies ?

Après quelques répétitions dans le garage de David, la nouvelle formation sort un bon premier EP, Come On Pilgrim, en 1987. « Caribou » érige Francis Black comme maître dans sa discipline, capable aussi bien d’une voix apaisée de fausset que d’un timbre rageur et mordant. « Nimrod’s Son » illustre son obsession jamais démentie pour les thèmes bibliques, tandis que « The Holiday Song » aborde l’onanisme.
En 1988, une bombe rock détonne dans un paysage désolé. C’est Surfer Rosa

Ce qui ressort surtout de Surfer Rosa, c’est l’alternance entre des couplets calmes et des refrains débridés, style peu ou pas exploité à l’époque dont on leur reconnait la paternité, et qui va devenir la marque de fabrique du groupe.

« Debaser » introduit l’album en opposant la hargne de Black à la douceur des contre-chants de Kim. « Wave of Mutilation » est pleine d’un charme insaisissable, et véhicule une émotion presque palpable. Ce thème de la souffrance, souvent exploitée par Black, se retrouve aussi dans « I Bleed ». Pépite pop très dansante au refrain prenant, « Here Comes Your Man » en est aux antipodes. « Dead » joue sur de brusques changement de rythme, et « Monkey Gone To Heaven », autre morceau très connu des Pixies, parle de la destruction du monde par l’homme. Encore plus que dans Surfer Rosa, tout est bien fait et bien construit dans cet album, et des morceaux comme « There Goes My Gun » l’attestent. Il se conclut avec « Silver », émouvant duo entre Black et Kim, et « Gouge Away », bel exemple du génie rebelle du groupe.
Tout semble aller pour le mieux, mais des tensions apparaissent entre Francis et Kim. Le premier est assez méthodique et sérieux, tandis que la seconde est en proie à des problèmes de drogue et d’alcool. Pour certains concerts, elle arrive en retard, pour d’autres, elle ne tient plus debout. Les Pixies annoncent logiquement une pause, au cours de laquelle chacun va vaquer à ses occupations. Kim renouera alors avec son groupe d’enfance, les Breeders (qui comprend notamment une membre des Throwing Muses), pour sortir un premier album, Pod.
Après ce break, le groupe se retrouve pour un nouvel opus en 1990, Bossanova. Conséquence

Evolution principale : les chansons bestiales qui caractérisaient Surfer Rosa et Doolittle sont ici quasi absentes, sauf pour « Rock Music » et ses paroles incompréhensibles (« Your Mouth's A Mile Away »). Mais le groupe en profite pour concocter des mélodies et des riffs géniaux, comme sur « Ana » et sa ligne de guitare ensorcelante. La basse fait un travail formidable sur « Is She Weird », et la batterie donne tout son panache à « Down to the Well ». « The Happening » est soufflante : la tension aérienne semble ne jamais vouloir s’arrêter, mais elle est soudain rompue lorsque Black change de ton (mais comment fait-il ?) pour prononcer « … beneath the sky ». Evoquons encore « Hang Wire », alternance réussie entre rage et accalmie dans le chant de Black et « Havalina », qui conclut Bossanova de façon très mélodieuse.
Avec la tournée qui s’ensuit, les tensions entre Kim et Black subsistent. On parle même d’une séparation prochaine du groupe. C’était sans compter la production, qui, pour le meilleur ou pour le pire, parvint à les convaincre de travailler une dernière fois ensemble. On aurait pu craindre qu’il s’agisse là du fameux album de trop, qui confirme la mort de l’inspiration d’un groupe. Et pourtant, sous leur chapeaux pointus, nos lutins dissimulaient encore quelques surprises. Des rumeurs soutenaient que le style musical des Pixies avait évolué vers du heavy metal. Si elles

L’influence des Pixies trouvera un écho chez de nombreux musiciens, au premier rang desquels on trouve Kurt Cobain, grand admirateur de Surfer Rosa et qui reconnait volontiers que son «


Black Francis entame une carrière réussie sous le pseudonyme de Frank Black, écoutez par exemple « You Ain’t Me » ou « Headache ». Kim Deal continuera quant à elle l’aventure qu’elle avait entamée avec les Breeders, et sortira notamment en 1993 l’album à succès Last Splash, qui contient les morceaux « Cannonball » et « Divine Hammer ». A ce jour, elle y officie encore.
La perspective d’un nouvel album des Pixies n’est aujourd’hui pas à l’ordre du jour. Pourtant, Kim et Charles n’ont jamais perdu l’envie de faire de la musique. Les Pixies ont fait beaucoup de belles choses, et elles ne l’ont jamais été autant que quand ces deux-là parvenaient à s’entendre. On aurait aimé voir cette synergie œuvrer à nouveau, pour une dernière merveille...
Franck A.
Superbe article.
RépondreSupprimerF.C d'Halifax