mardi 1 mars 2011

Le "Revival" : hommage ou solution de facilité?

BLACK LIPS

Groupe formé en 2000 à Atlanta, les Black Lips se définissent eux-mêmes et non sans une certaine modestie comme les uniques représentants d’un genre de leur propre création : le Flower Punk. Comprenez que les Black Lips produisent une musique mariant étrangement un chant violent et fortement marqué garage voire punk à des airs et accompagnements souvent plutôt influencés par le rock et la pop psyché des années 60 et du flower power. Difficile alors, me direz vous, de croire qu’un tel groupe ait pu voir le jour si tardivement, surtout si on tient compte de la qualité de l’enregistrement qui semble (volontairement on l’imagine) tout juste digne d’un groupe lambda des sixties. Toujours en conservant cette qualité sonore intentionnellement infecte et antique dans sa manière de sonner, les blacks lips nous proposent plusieurs types de morceaux tenant toutes de la revisitation fidèle des grands classiques du genre de 1960 au début des années soixante-dix. Un instrumental très Beatles/Byrds/Kinks/Animals comme sur I’ll Be With You ou Dirty Hands (qui sont d’ailleurs assez scandaleusement basées sur les mêmes trois accords) accompagne un chanteur à la voix de voyou londonien qui n’est pas sans rappeler celle du Mick Jaegger des London Years. D’autres titres comme Hippie Hippie Hoorah feront référence à une période un peu plus tardive à l’aide de sonorités qui nous feront plus penser à Woodstock qu’au Cavern Club). D’autres emprunteront aux Keith Richards (sur everybody's doin it ou encore take me home back to boone) et autres Jimmy Page (écouter Body Combat) des guitares saturées, on encore une voix très narrative et dérangée comparable à un celle d’un Jim Morrison sur Trapped In a Basement par exemple (en mois déprimant peut être). Le groupe a écrit trois albums, mélangeant tous mes trois punk, garage et psyché sans qu’on puisse vraiment dire lequel est plus rock, plus punk ou plus psyché que les autres. La seule différence notable est sans doute la qualité de l’enregistrement qui s’améliore légèrement au fil des albums, de Let It Bloom (déjà avec on peut pas faire plus revival, en référence aux légendaires Let It Be et Let It Bleed du couple ennemi Beatles/Stones) à 200 Million Thousands, peut être s’ancrer plus profondément dans cette époque pourtant révolue où la qualité de l’enregistrement s’améliora si rapidement. Peut être se sont-ils aussi rendus compte que cette volonté, compréhensible et intéressante au fond, de sonner « vintage » poussait parfois leur musique sur certains titres jusqu’à la limite du franchement dégeulasse.

Un constat s’impose : contrairement à ce qu’ils prétendent, les Black Lips n’ont absolument rien inventé au niveau musical. S’ils se sont en effet contentés de reprendre ce qui s’était fait de mieux lors de l’une des périodes les plus fastueuses pour la musique et le rock, si ce n’est la plus fastueuse, on doit leur reconnaître le mérite de l’avoir réellement bien fait. Il n’y a rien de révolutionnaire, mais cela reste de bon goût agressif et puissant, dérangeant, (peut être même dérangé) et il faut admettre que ce choix d’un enregistre archaïque confère au tout un certain charme et une certaine nostalgie de cette époque qu’ils tentent et réussissent à imiter. On pourrait trouver une telle entreprise quelque peu vaine, voire même agaçante, même sans pour autant vouloir à tout prix « le progrès pour le progrès » faire de l’actuel pour faire de l’actuel. Personnellement, cela ne me dérange pas si, comme dans le cas des Black Lips, c’est de bonne facture avec d’excellents titres et très peu de déchet (surtout sur les premiers et troisièmes albums qui sont les seuls que j’ai écouté, le second étant malencontreusement passé à la trappe), tout aussi authentiques que s’ils avaient quarante ou cinquante ans de plus. De plus, je dois ajouter que je préfère largement découvrir et écouter un tel groupe à un des représentants du pullulement anarchique de groupes électro-pop-rocks souvent semblables en tout points les uns aux autres essayant péniblement de surnager dans le bouillon divers et bigarré du rock indépendant depuis le début des années 2000. A noter que ce groupe aux performances scéniques paraît il pour le moins houleuses et riches sort un quatrième album cette année. Ne pas s’attendre donc à une révolution ni à un disque absolument indispensable, mais au moins à un album bien fait, résolument rock et authentique.

RODEO MASSACRE : If You Can’t Smoke’em Sell’em

Originaires pour leur part de Suède, les Rodeo Massacre participent également de cette volonté de raviver les feux anciens, de rendre un hommage aux plus grands de cette moitié de siècle. Avec cette fois une femme à la voix chaude et puissante (et qui soit dit en passant ne viendra sûrement pas briser la représentation traditionnelle que nous avons de ce côté de la Baltique de nos amies Suédoises et plus largement Scandinaves), des rythmes appuyés, des guitares tantôt rageuses, tantôt envoûtantes et des refrains efficaces et percutants, la référence à Jefferson Airplane crève les yeux. Et là encore, le résultat est plutôt agréable. Si l’influence de est à JA est en effet évidente, on ne peut honnêtement pas dire que la musique de ce groupe au nom d’un goût malheureusement pas aussi sûr que sa musique, se limite à une pâle imitation, un vulgaire plagiat de ces derniers. Il y a bien de nombreux apports, recompositions et autres reconstitutions de la part des Suédois. On pourra par exemple apprécier la présence inhabituelle dans ce registre de solos de flute, d’harmonica (écouter par exemple Zombies of Life) ou de trompette (Desert Man) qui enrichissent l’ambiance d’une forme d’euphorie, de folie peut être, parfois de démence comme à la fin de la chanson Desert Man et, au rythme du galop des tambours et des guitares, nous font traverser les grandes plaines vers l’Ouest du nouveau Monde. On verra également apparaître des structures directement venues du Blues originel (I’ve Got A Big Foot Now) Sur leur premier album intitulé If You Can’t Smoke’em Sell’em, sorti au début du mois de février 2011, on a ainsi le droit à un récital de rock et de pop psychédélique dasn les règles de l’art, parfois même à des intros se rapprochant sensiblement de celles des Doors (notamment sur Turning Wheel). Le balayage des influences entrepris par Rodeo Massacre est donc large mais reste cohérent sans tomber dans l’accumulation, avec un album qui, au vu de l’atmosphère dans laquelle il nous plonge, constituer la bande originale d’un Tarantino (en particulier la chanson Desert Man). On est forcé de reconnaître la qualité de cet album et du groupe qui l’a fait naitre, que l’on soit un réactionnaire nostalgique des seventies ou un jeunot naïf et un peu ignare (ou encore entre les deux).

Voici donc un autre exemple de grand classique revisité avec brio, de groupe ostensiblement revival sans être vain, qui ne pourra donner lieu ni à la critique des anciens et puristes du genre, ni à l’indifférence ou au dédain des plus progressistes.

C’est donc dans un pari risqué que se sont lancés les Black Lips et Rodeo Massacre, comme d’autres l’ont fait et le feront après eux, en choisissant cette voie de la revisitation des classiques. Si l’entreprise peut souvent paraitre dénuée d’un grand intérêt, cette inquiétude est vite dissipée dans le cas de ces deux groupes de ce début de siècle dont la personnalité sonore, la qualité technique et de création ne peut que séduire.


Lucas M.

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