lundi 27 décembre 2010

Coup de gueule audiovisuel...


Il y a dans le vaste univers du paysage audiovisuel français (PAF pour les intimes) des lois aussi dures à comprendre qu’à accepter. La guerre à laquelle se livrent depuis toujours les grandes chaines hertziennes pour grappiller des parts de marché ne pouvait déroger à la règle, et c’est une émission chère à mes oreilles qui en fait les frais, j’ai nommé Taratata.

Une petite présentation s’impose : l’émission, entièrement créée par Nagui, est apparue pour la première fois à l’antenne en 1993, et malgré une interruption de 2000 à 2005, elle peut se vanter de faire désormais partie des rares programmes télévisuels qui bénéficient d’une agréable stabilité. Chaque semaine, Nagui reçoit entre 4 et 8 groupes qui viennent faire leur promotion en jouant quelques morceaux, ponctués d’une interview.

Première particularité (eh oui c’est malheureusement inhabituel aujourd’hui), les prestations scéniques dans Taratata sont 100% live, ce qui devraient d’ailleurs selon moi être systématique pour tout groupe qui se respecte. Mais cela n’est généralement pas de leur ressort : la production des émissions de variété exige en effet la plupart du temps que les groupes jouent en play-back, tellement celles-ci sont aseptisées par une sainte frousse du risque (certains groupes conservent néanmoins leurs principes, parfois à leur manière : ainsi lors d’une émission italienne, les trois membres du groupe Muse ont joué Uprising en play-back, mais en échangeant leurs instruments, donnant lieu ainsi à un moment cocasse lors de l’interview, durant laquelle la présentatrice, particulièrement bien renseignée, interrogea le batteur en pensant s’adresser au chanteur… ).

Je ne saurais dire si cela est directement lié à cette particularité ou à un travail en coulisse de l’équipe de tournage, mais les groupes invités apparaissent plus détendus qu’à l’accoutumée, enclin à se lâcher et à interagir avec le public, ce qui créé une ambiance presque familiale : comme si on se retrouvait entre potes pour un petit jam improvisé (ce qui arrive parfois réellement), mais devant les cameras.

Deuxième particularité : la programmation. Attention, c’est du lourd ! Deep Purple, les Red Hot Chili Peppers, Metallica, Muse, Scorpions, David Bowie, Ben Harper, Oasis, Arctic Monkeys… Tous sont déjà passés à Taratata. Mais là où l’émission se distingue, c’est avec le mélange prôné par la prod. Si chaque émission débute avec une tête d’affiche, elle se poursuit avec des groupes bien moins connus mais tout aussi intéressants. Beaucoup de formations passèrent à Taratata avant d’exploser en France (pour l’anecdote, une semaine avant de se produire au festival « Le Père Noël Est-Il Un Rocker ? », Absynthe Minded était à Taratata pour jouer « Envoi » et « My Heroics, Part One », ainsi que deux reprises, « Le Vent Nous Portera » en duo avec Cali, et le fameux « Amsterdam » de Jacques Brel). Il y a donc de quoi assouvir à la fois l’hystérie des fans en manque de leurs idoles, et la soif de découverte.

Troisième particularité et pas des moindres : pas question de jouer uniquement le dernier single ! Chaque invité est appelé à préparer une reprise, ainsi qu’un duo. Et là encore la prod fait preuve d’originalité, permettant la formation de duos plus qu’improbables. Où est-il possible d’assister à une reprise du « Requiem Pour Un Con » de Gainsbourg par un duo improbable Jacques Higelin/Julia Stone ailleurs qu’à Taratata ? Et le côté inédit de la chose renforce également la bonne humeur ambiante sur le plateau, tant les groupes sont heureux de casser la routine de tournées interminables.

Enfin, quatrième particularité, et c’est là le fond même du problème qui me taraude depuis longtemps et qui me pousse à écrire cet article : la place allouée à Taratata dans la grille des programmes de France Télévisions. A l’heure de l’avènement du poète Patrick Sébastien et où il ne passe pas un samedi soir sans une émission dans laquelle des pseudos stars (merci la Star Academy et autres comédies musicales nauséabondes) viennent reprendre des titres disco usés au possible et choisis parmi une liste inchangée depuis plus de 20 ans et longue de maximum 15 chansons (Emile et Image ça va 5 minutes), Taratata est diffusé sur France 2 le vendredi à 1h10 du matin, et sur France 4 le mercredi soir. Une visibilité selon moi indigne d’un programme de cette qualité, preuve du manque total de volonté des grandes chaines françaises, régies par la loi de l’audimat, pour cultiver un minimum ses téléspectateurs. Et le pire, c’est que cela constitue un véritable cercle vicieux, les français étant de moins en moins aptes à la découverte, ce qui rend de plus en plus improbable l’apparition d’un programme à la fois culturel et plébiscité.

Le paysage audiovisuel français s’enlise donc dans un culte du mauvais goût, du voyeurisme, ou autre perversité à la mode, qui fait le succès de la télé-poubelle omniprésente de nos jours, au détriment de la culture.

Pour les curieux qui auront saisi l’intérêt de ce programme, je vous invite à visiter le site de l’émission, www.mytaratata.com, sur lequel chaque numéro est mis en ligne en intégralité.


Vincent M.

1 commentaire:

  1. Entièrement d'accord avec Thomas, sauf pour le début (les sueurs froides^^): "J'ai eu qq sueurs froides a la lecture du début de l'article qui m'a fait croire a la fin de taratata ... Alors qu'un beau générique tout neuf fait son apparition !
    Alors oui taratata c'est génial, oui le live c'est ouf. Mais la France, pays de la cochonnaille et du Pinard est avant tout peuplé de beaufs moyens (ou pire) qui se gargarisent devant des programmes a leur niveau. Dans cet état de fait il faudra continuer a veiller tard devant son écran pour pouvoir se régaler d'emissions comme taratata, ou tracks.
    Tant pis pour nous, il fallait créer endemol avant Arthur."

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