mardi 29 mars 2011

Le Shamrock N°Avril 2011

Le Shamrock d'avril 2011 est sorti! La distribution de la version papier continue vendredi 8 avril à l'Edhec.



mercredi 23 mars 2011

Anna Calvi : Believe the Hype

Anna Calvi, c’est rien de dire que la presse musicale en a énormément parlé. Complète inconnue il y a encore peu, les choses se sont précipitées vertigineusement pour elle ces dernières semaines : Sortie d’un LP avec reprise habitée de « Jezebel » (en écoute sur Deezer), signature chez le label Domino (celui des Monkeys), premières parties de Nick Cave, et donc aujourd’hui ce premier album intitulé « Anna Calvi » (pourquoi s’emmerder ?) qui lui vaut les couvertures de tout ce qui existe en canards musicals des deux côtés de la Manche. Le vieux Brian Eno allait même jusqu’à dire qu’il n’avait pas vu ça depuis Patti Smith (en même temps l’avis de Brian Eno…). On évoque également à son sujet PJ Harvey (suis en train de réécouter « come on billy », un sacré morceau), Siouxsie…Y a plus qu’à citer Janis et Grace Slick et on aura tout le monde. Alors bien sûr sous prétexte que tout le monde lui tresse des lauriers, pointent déjà à l’horizon quelques idiots qui vous annoncent, tout fiers, qu’ils ne sont pas dupes de ce qu’« on essaie de nous refiler ». Qui ça, « on » ? Ben Laden ? Les Suisses ? Le KGB ?

C’est assez drôle de voir l’arbitraire de cette fiction auto-alimentée qu’est la Hype, qui après avoir élu de jeunes geeks fans de psychédélisme anglais (MGMT), des croquemorts (the XX), des roux (les nullards de Two Door Cinema Club), des faux bardes (l’affreux Anthony la pleureuse and the Johnson) a choisi cette fois de jeter son dévolu sur cette jeune anglaise de 22 ans, dont chacun salue l’incandescence sur scène : Comme les gars d’Arcade Fire, elle joue sérieuse comme un pape, coiffée d’un strict chignon de rat d’opéra, sourcils froncés, mine contrite, pas encore tout à fait assurée probablement. On voit ce qui est derrière, ce qu’elle vise : l’attraction distante, la séduction glacée, comme Bowie pendant sa période « young americans ». Toute cette unanimité derrière elle, cette Hype, mot puant dénué de sens (Qu’est ce que la Hype sinon l’enthousiasme synchrone pour un gars qui a priori sort du lot) va offrir à quelque uns, on le sait déjà, le prétexte de jugements à l’emporte-pièce alors qu’on devrait aborder toute première œuvre avec une bienveillance relativement dépassionnée , et faire cet effort surhumain de parler en connaissance de cause. La méfiance suscitée par la hype est d’autant plus injuste, qu’il est plus dur de créer de l’inédit aujourd’hui. De quoi partait les Beatles lorsqu’ils jouaient « she loves you » ? Pas grand-chose, tout était à inventer. Faut quand même bien voir que tout jeune artiste qui commence aujourd’hui a 60 ans de rock derrière lui, qu’il doit se coltiner, et à l’aune desquels il va être jugé . Et contrairement à l‘aspirant écrivain qui lui peut attendre (et qui devrait attendre, ça éviterait que tant de nullards soient publiés. Ca sert à ça la lecture des génies : inspirer les futurs génies et et inhiber les autres : malheureusement les mauvais écrivains sont trop inconscients et ont trop peu d’ambition pour avoir des doutes sur ce qu’ils écrivent ; il n’y a que les génies qui doutent), il doit le faire à 25 ans, le rock ne pouvant se concevoir que dans la fulgurance : Pete Townshend eût-il écrit « Hope i die before i get old » à 45 ans, il aurait eu l’air bien bête, c’est sûr.

Pour en revenir à Anna Calvi, la comparaison avec Buckley saute aux oreilles (oui je le sais bien que c’est réducteur d’étiqueter les gens, si je sors quelques références, c’est pour donner quelques jalons, quitte à rendre le truc un peu trop identifiable. Parce qu’on vient tous de quelque part, ne serait-ce que pour s’en éloigner). On retrouve effectivement le son de guitare, liquide et fantomatique, plein d’écho caractéristique de chez Buckley fils, sauf qu’heureusement Anna Calvi, elle, n’est pas une chouineuse (regardez là en interview : elle ne dit RIEN de vaguement personnel. Je trouve ça admirable). Juste en passant, je suis retombé en écrivant sur une interview assez édifiante du sieur Buckley. Attention c’est du lourd : « Moi, je dois bien l'admettre, je suis religieux. Mais je n'arrive pas à croire à l'organisation terrestre faite au nom de Dieu. Les prêtres, tous ces prétendus représentants, ce sont des trucs pour malades mentaux. Alors, comme ça, Dieu serait là pour punir, encore et toujours, mais jamais pour récompenser ? Un père, mais pas de mère. Aucune femme dans la sainte Trinité... Quelle erreur monumentale ! C'est effroyable de constater que la seule femme sans reproches dans la Bible soit Marie, qui n'a jamais baisé de sa vie. Elle a fait un bébé avec son oreille. Non mais franchement, quelle connerie ! Je ne suivrai jamais de ma vie le moindre conseil important émanant de quelqu'un qui n'a jamais baisé et qui, en plus, en est fier. Le pape, quelle insulte au sexe, quelle insulte aux femmes ! Toutes nos religions sont en faveur des hommes, elles me dégoûtent. Pas étonnant qu'on traite la terre avec le même mépris : on la viole, on la détruit, on ne tient pas compte de son avis. Tout cela est très perturbant. Je suis un garçon très perturbé…» 2000 ans de théologie récusée PAF !! Non mais c’est vrai quels cons ces chrétiens !! Jaspers, Pascal, Erasme, Bernanos ? Des trous du cul !! la transcendance quelle blague !! Ah et Marie a fait un bébé avec son OREILLE !!?? HEU JE NE PENSE PAS NON TROU DUC !! Une bêtise pareille ça tient du prodige. L’imbécile aura aussi réussi cette performance notable de mourir plus jeune que son père (il s’est suicidé parce qu’il était mal dans sa peau le pauvre chéri). J’en reste là, tout le monde aura compris à quel point le pauvre garçon était bien bête.

Le risque numéro un lorsqu’on veut donner dans le lyrique, c’est l’emphase, l’ampoule, la pompe, en un mot le rock-kougloff (type les idiots de Muse). Une telle musique encourt plus surement le piège du ridicule mais c’est noble de s’exposer ainsi à vif, de ne pas avoir peur de ne pas faire dans le demi-mesure. Et en l’occurrence Calvi le fait bien. La production est peut être un poil lissée et clinquante à mon goût mais ça va, on s’en accomode. Aux moins deux grandes chansons ressortent : d’abord ce « First we kiss », bizarre et tendre, et surtout « love won’t be leaving », un classique d’ores et déjà. L’intro en cavalcades de guitares, les couplets sussurrés, Le refrain (« cause loooove won’t be leaving !!!) le final, tout est grandiose. Les chœurs du Bolchoi à trois, rien de moins. Qu’on trouve le reste trop vélléitaire je peux le comprendre, mais ces deux chansons là, il fallait les écrire. Suis-je totalement conquis ? Non pas tout à fait, je suis resté relativement hermétique à certaines chansons (« morning light »), malgré le fait qu’elle se donne sans réserve. Peut être ce « lyrisme cérébral » de sa musique vitrifie un peu l’émotion, je ne sais pas trop. En tout cas, l’album reste très impressionnant, et on peut affirmer en étant quasi sûr de ne pas se tromper que cette fille n’est pas un feu de paille. Un peu moins de manières, plus de hargne et de méchanceté pour la suite et ça va devenir une tueuse.


Vianney G.

jeudi 3 mars 2011

N° de mars 2011

Le Shamrock du mois de mars 2011 enfin en PDF!

Vous n'étiez pas là le jour de la distribution? On vous l'a volé avant même de l'avoir lu en entier? Vous l'avez perdu et rêvez de vous tordre de rire à nouveau sur les articles de Vianney G., d'admirer la mise en page de Diane H. ou de découvrir la plume des nouvelles recrues?
La version Webzine se trouve juste ci-dessous!

Bonne balade, cher lecteur!

Très modestement,
Diane H.

mardi 1 mars 2011

Le "Revival" : hommage ou solution de facilité?

BLACK LIPS

Groupe formé en 2000 à Atlanta, les Black Lips se définissent eux-mêmes et non sans une certaine modestie comme les uniques représentants d’un genre de leur propre création : le Flower Punk. Comprenez que les Black Lips produisent une musique mariant étrangement un chant violent et fortement marqué garage voire punk à des airs et accompagnements souvent plutôt influencés par le rock et la pop psyché des années 60 et du flower power. Difficile alors, me direz vous, de croire qu’un tel groupe ait pu voir le jour si tardivement, surtout si on tient compte de la qualité de l’enregistrement qui semble (volontairement on l’imagine) tout juste digne d’un groupe lambda des sixties. Toujours en conservant cette qualité sonore intentionnellement infecte et antique dans sa manière de sonner, les blacks lips nous proposent plusieurs types de morceaux tenant toutes de la revisitation fidèle des grands classiques du genre de 1960 au début des années soixante-dix. Un instrumental très Beatles/Byrds/Kinks/Animals comme sur I’ll Be With You ou Dirty Hands (qui sont d’ailleurs assez scandaleusement basées sur les mêmes trois accords) accompagne un chanteur à la voix de voyou londonien qui n’est pas sans rappeler celle du Mick Jaegger des London Years. D’autres titres comme Hippie Hippie Hoorah feront référence à une période un peu plus tardive à l’aide de sonorités qui nous feront plus penser à Woodstock qu’au Cavern Club). D’autres emprunteront aux Keith Richards (sur everybody's doin it ou encore take me home back to boone) et autres Jimmy Page (écouter Body Combat) des guitares saturées, on encore une voix très narrative et dérangée comparable à un celle d’un Jim Morrison sur Trapped In a Basement par exemple (en mois déprimant peut être). Le groupe a écrit trois albums, mélangeant tous mes trois punk, garage et psyché sans qu’on puisse vraiment dire lequel est plus rock, plus punk ou plus psyché que les autres. La seule différence notable est sans doute la qualité de l’enregistrement qui s’améliore légèrement au fil des albums, de Let It Bloom (déjà avec on peut pas faire plus revival, en référence aux légendaires Let It Be et Let It Bleed du couple ennemi Beatles/Stones) à 200 Million Thousands, peut être s’ancrer plus profondément dans cette époque pourtant révolue où la qualité de l’enregistrement s’améliora si rapidement. Peut être se sont-ils aussi rendus compte que cette volonté, compréhensible et intéressante au fond, de sonner « vintage » poussait parfois leur musique sur certains titres jusqu’à la limite du franchement dégeulasse.

Un constat s’impose : contrairement à ce qu’ils prétendent, les Black Lips n’ont absolument rien inventé au niveau musical. S’ils se sont en effet contentés de reprendre ce qui s’était fait de mieux lors de l’une des périodes les plus fastueuses pour la musique et le rock, si ce n’est la plus fastueuse, on doit leur reconnaître le mérite de l’avoir réellement bien fait. Il n’y a rien de révolutionnaire, mais cela reste de bon goût agressif et puissant, dérangeant, (peut être même dérangé) et il faut admettre que ce choix d’un enregistre archaïque confère au tout un certain charme et une certaine nostalgie de cette époque qu’ils tentent et réussissent à imiter. On pourrait trouver une telle entreprise quelque peu vaine, voire même agaçante, même sans pour autant vouloir à tout prix « le progrès pour le progrès » faire de l’actuel pour faire de l’actuel. Personnellement, cela ne me dérange pas si, comme dans le cas des Black Lips, c’est de bonne facture avec d’excellents titres et très peu de déchet (surtout sur les premiers et troisièmes albums qui sont les seuls que j’ai écouté, le second étant malencontreusement passé à la trappe), tout aussi authentiques que s’ils avaient quarante ou cinquante ans de plus. De plus, je dois ajouter que je préfère largement découvrir et écouter un tel groupe à un des représentants du pullulement anarchique de groupes électro-pop-rocks souvent semblables en tout points les uns aux autres essayant péniblement de surnager dans le bouillon divers et bigarré du rock indépendant depuis le début des années 2000. A noter que ce groupe aux performances scéniques paraît il pour le moins houleuses et riches sort un quatrième album cette année. Ne pas s’attendre donc à une révolution ni à un disque absolument indispensable, mais au moins à un album bien fait, résolument rock et authentique.

RODEO MASSACRE : If You Can’t Smoke’em Sell’em

Originaires pour leur part de Suède, les Rodeo Massacre participent également de cette volonté de raviver les feux anciens, de rendre un hommage aux plus grands de cette moitié de siècle. Avec cette fois une femme à la voix chaude et puissante (et qui soit dit en passant ne viendra sûrement pas briser la représentation traditionnelle que nous avons de ce côté de la Baltique de nos amies Suédoises et plus largement Scandinaves), des rythmes appuyés, des guitares tantôt rageuses, tantôt envoûtantes et des refrains efficaces et percutants, la référence à Jefferson Airplane crève les yeux. Et là encore, le résultat est plutôt agréable. Si l’influence de est à JA est en effet évidente, on ne peut honnêtement pas dire que la musique de ce groupe au nom d’un goût malheureusement pas aussi sûr que sa musique, se limite à une pâle imitation, un vulgaire plagiat de ces derniers. Il y a bien de nombreux apports, recompositions et autres reconstitutions de la part des Suédois. On pourra par exemple apprécier la présence inhabituelle dans ce registre de solos de flute, d’harmonica (écouter par exemple Zombies of Life) ou de trompette (Desert Man) qui enrichissent l’ambiance d’une forme d’euphorie, de folie peut être, parfois de démence comme à la fin de la chanson Desert Man et, au rythme du galop des tambours et des guitares, nous font traverser les grandes plaines vers l’Ouest du nouveau Monde. On verra également apparaître des structures directement venues du Blues originel (I’ve Got A Big Foot Now) Sur leur premier album intitulé If You Can’t Smoke’em Sell’em, sorti au début du mois de février 2011, on a ainsi le droit à un récital de rock et de pop psychédélique dasn les règles de l’art, parfois même à des intros se rapprochant sensiblement de celles des Doors (notamment sur Turning Wheel). Le balayage des influences entrepris par Rodeo Massacre est donc large mais reste cohérent sans tomber dans l’accumulation, avec un album qui, au vu de l’atmosphère dans laquelle il nous plonge, constituer la bande originale d’un Tarantino (en particulier la chanson Desert Man). On est forcé de reconnaître la qualité de cet album et du groupe qui l’a fait naitre, que l’on soit un réactionnaire nostalgique des seventies ou un jeunot naïf et un peu ignare (ou encore entre les deux).

Voici donc un autre exemple de grand classique revisité avec brio, de groupe ostensiblement revival sans être vain, qui ne pourra donner lieu ni à la critique des anciens et puristes du genre, ni à l’indifférence ou au dédain des plus progressistes.

C’est donc dans un pari risqué que se sont lancés les Black Lips et Rodeo Massacre, comme d’autres l’ont fait et le feront après eux, en choisissant cette voie de la revisitation des classiques. Si l’entreprise peut souvent paraitre dénuée d’un grand intérêt, cette inquiétude est vite dissipée dans le cas de ces deux groupes de ce début de siècle dont la personnalité sonore, la qualité technique et de création ne peut que séduire.


Lucas M.